La principale crise de l'humanité est-elle celle du climat ?
Dans les États-Unis d'Amérique du Nord, s'est installé l'idée d'un Green New Deal, c'est-à-dire qu'elle est vraisemblablement soutenue par une part non négligeable de la population. Si on souhaitait franciser, avec la volonté d'avoir une chose similaire, alors on pourrait souhaiter un Front Populaire Vert, qui serait une coalition de partis politiciens qui percevrait l'écologie et en particulier la crise climatique comme un enjeu crucial, voire comme la principale crise à laquelle l'humanité doit faire face. Mais cela est t'il fondé ?
En ces mots et sans aller plus loin, ça met toute l'humanité dans un même sac. On peut extrapoler la suite logique qui est le rêve de la grande alliance. Ses partisans enverront probablement paître toutes les personnes qui seraient contre la grande Union, car ils auront l'affreuse idée de rappeler les conflits internes à l'humanité et ce faisant fournissent de l'acide (déjà présente) contre le grand projet. Cela conduit in fine à la volonté (au moins implicite et pas nécessairement pensée) de préserver les rapports sociaux, en l'occurrence notamment capitalistes. Or précisément le capitalisme à minima sous sa forme "(néo-)libérale" est vraisemblablement incompatible avec le climat et plus largement la préservation de l'environnement.
En effet, la concurrence déchaînée (et mondiale)
de cette forme de capitalisme
conduit à user autant que possible des machines
et à briser les protections écologiques (et sociales)
avec l'argument rituel (et fondé sur le long terme)
de la compétitivité (dans ce régime institutionnel).
Or de cette analyse s'en suit que
la principale crise à laquelle l'humanité doit faire face
n'est pas la crise climatique,
mais le capitalisme ou au moins une de ses formes possibles.
Dans cette matrice, la crise climatique est un sous-produit du capitalisme ou d'une de ses formes et du contexte de développement scientifique dans lequel celui-ci évolue (car la même chose 100 ans avant n'aurait pas pu avoir les mêmes conséquences de par la moindre prise de l'humain sur son environnement). Or là, bien que ça reste un problème de l'humanité, on sent que seulement une sous-partie va potentiellement s'y atteler.
En effet, la bourgeoisie n'y a pas intérêt à court terme (et peut-être aussi moyen terme), tandis qu'une large partie du prolétariat y a intérêt. Ce n'est donc plus à l'humanité qu'il faut appeler, mais avant tout au prolétariat et ne pas se leurrer sur le fait qu'une partie très minoritaire mais très puissante s'y opposera (et en fait s'y oppose déjà depuis longtemps) et arrivera à enrôler une part du prolétariat (d'ailleurs actuellement majoritaire).
De plus, le problème écologique est plus large que la crise climatique. Typiquement l'électro-nucléaire et les métaux rares ne posent à priori pas de problème climatique, bien qu'en creusant il y a en fait de quoi se rendre compte en partie que si, au moins dans la phase contemporaine des infrastructures et techniques mobilisées pour les opérer pour le moment. Il y a aussi le plastique, la pollution de l'eau, la destruction des sols, la chute drastique de la biodiversité, etc.
Propositions de lectures en rapport
- Comment tout peut s'effondrer (Pablo Servigne et Raphaël Stevens, éditions du Seuil, 2015)
- Appels sans suite : le climat (Frédéric Lordon, 12 octobre 2018, blog "La pompe à phynance", Le Monde diplomatique)
- L'urgence écologique : sortir du capitalisme (Alternative Libertaire devenue Union Communiste Libertaire, 7 octobre 2015)
- Capitalisme et écologie (WikiRouge.net)
- L'anthropocène contre l'histoire (Andreas Malm, éditions La Fabrique, 2017)
- Leur écologie et la nôtre (André Gorz, avril 1974, journal Le Sauvage)
- Détruire le capitalisme avant qu'il ne nous détruise (Frédéric Lordon, 7 octobre 2019, blog "La pompe à phynance", Le Monde diplomatique)
- La question climatique : Genèse et dépolitisation d'un problème public (Jean-Baptiste Comby, éditions Raisons d'agir, 2015)