Le masque partout et tout le temps, ou comment l'annihiler ?

"Le masque devient obligatoire dans l'ensemble de la ville de Toulouse", voila un des mini-articles publié le 19 aout 2020 dans le journal Libération via le Web (donc Internet). Ce sera pour un mois, en tout cas au moment de cette annonce, et de 7 heures du matin à 3 heures du matin. En pleine pandémie de Covid-19 (causée par le coronavirus SARS-CoV-2, ainsi que ses conditions propices de diffusion), et puisque qu'il serait avéré que le port du masque au bon endroit sur le corps serait efficace, de par le fait que ça diminuerait considérablement la transmission des gouttelettes contaminantes, n'est-ce pas une bonne mesure ? Sanitairement et sur ce problème seulement, car ce texte n'a vocation à donner des éléments de pensée qu'exclusivement sur ça et sous cet angle bien particulier (et il n'y a bien sûr pas que ça à prendre en compte et ainsi), il se pourrait bien que non. Peut-être serait-ce inutile, mais on peut aussi envisager que ça pourrait potentiellement même être contre-productif.

Dans les rues avec plein de monde et dans les plages horaires où il y en a, on peut se dire à priori que ça se comprend. Il faudrait toutefois avoir un haut niveau de confiance, ou mieux la certitude, via des résultats solides de recherche, que l'effet protecteur soit significatif en plein air, mais on peut se dire qu'il est raisonnable de l'admettre. En revanche, là ce n'est pas la même chose. En effet, ça va inciter, pour énoncer les choses par euphémisme, par l'obligation légale et la possible punition si non respect, les gens à utiliser toujours le masque ou presque. On peut émettre l'hypothèse, qui ne semble pas farfelu, que de nombreux masques seront donc probablement bien sales ou encore plus (car qui le lavera et/ou le changera autant que recommandé ?) et donc moins efficace, y compris en milieu clos donc, tout en créant un faux sentiment de sécurité chez certaines personnes (individuelles et morales) et ce a quoi cela peut conduire (comme un moindre respect d'autres mesures préventives).

On peut en conséquence (mais peut-être à tord) penser que ça pourrait en fait être vraisemblablement contre-productif sanitairement. Mais il ne faut pas prendre que cela en compte, car ça pourrait aussi l'être socialement. D'après "Coronavirus : Les anti-masques en France représentent-ils un risque ?" (publié le 19 aout 2020 sur 20 Minutes et écrit par Oihana Gabriel), il n'y a à ce moment là pas encore eu de manifestation anti-masque en France. Cependant, imposer le masque dans l'espace public (en l'occurrence de Toulouse, une grande ville pour le pays) et sur une très large plage horaire, cela risque bien d'y pousser. On peut trouver vraisemblable que ça le pourrait bien, contre ce genre de mesure forte, peut-être excessive même d'un pur point de vue sanitaire de laboratoire. Mais ça pourrait aller plus loin, c'est-à-dire donner de la vigueur à un mouvement d'opposition contre l'imposition du masque en général (y compris en milieu clos donc, là où pourtant il semble pourtant clairement avéré qu'il serait significativement efficace). De plus, cette généralisation, qui a de quoi paraitre comme excessive (même si ce n'est peut-être pas le cas, mais ça ne semble à priori pas évident), ça épuise encore un peu plus la confiance envers ce genre d'institution (à savoir l'État et ses succursales), et donc la puissance de la capture de la multitude dirait une personne spinoziste, des fois pour le meilleur (car toute concentration de pouvoir est dangereuse et donc ne doit point se voir accorder un blanc seing, car il y a le risque de l'abus et du gros) et aussi potentiellement pour le pire.

S'il était juste que c'est contre-productif, ce que nous ne prétendons nullement avoir démontré, ça pourrait être drôle, en quelque sorte, quoi que tragique, au fond. En effet, si au lieu de mieux enrayer le problème, ça l'accroit, par attrition involontaire de son efficacité là où il aurait dû l'être (à minima les lieux clos), ça aurait de quoi intensifier l'opposition au masque (pour ce il suffit de se figurer l'effet de chiffres attestant que là où le port du masque est généralisé est aussi souvent là où il y a le plus de contaminations), certes sur la base d'une idée inadéquate, mais il n'y a pas de force intrinsèque des idées vraies (à ce sujet on peut par exemple lire le post-scriptum du livre "D'un retournement l'autre" de Frédéric Lordon), et en l'occurrence l'erreur serait par dépassement du domaine de validité (et non, dans l'hypothèse présente, parce que coïncidence n'indique pas causalité). Comble de l'ironie (mieux vaut en rire qu'en pleurer, à condition évidemment d'y arriver), si et seulement si l'hypothèse du raisonnement est juste et qui n'est là tenue pour vraie (avec seulement quelques extrapolations non vérifiées et donc sans l'avoir aucunement démontrée) que pour en analyser ce qui pourrait en découler, ça pourrait bien être un mouvement totalement anti-masque qui pourrait avoir la force de ramener les instances d'autorité (sanitaires, étatiques et para-étatiques) à des mesures réellement efficaces (ou autrement dit scientifiques !). Pourquoi plutôt elleux (dont il semble pourtant raisonnable de penser qu'illes sont dans l'erreur, de par l'excès que serait le refus du masque en toute circonstance) que d'autres (que l'on peut être enclin à trouver sérieux) ? C'est que les scientifiques véritables de laboratoire (mais qui font des prescriptions s'appliquant au dehors, qui n'est pas tout à fait la même chose que le labo) et celleux ayant plutôt confiance en eux (au moins sur le cas du port du masque contre le Covid-19) émettront peut-être des doutes et éventuellement même un rejet déclaratif (probablement pour une part plus petite), mais probablement pas beaucoup plus, aussi potentiellement y en aura t'ils (pour encore une autre frange) qui penseront qu'il y a probablement problème et n'en diront pourtant rien publiquement de peur d'attiser le camp du rejet total (mais c'est cette non-action qui pourrait peut-être en fait tragiquement y contribuer), donc avec peut-être pas assez de quoi pour peser, tandis que les personnes intégralement contre le masque seront, sans doute ou presque plus, véhémentes et en conséquence possiblement plus puissantes pour conduire à un changement. Le salut par les pas du tout raisonnables et contre la mollesse des pro-masques ? Reste que pour l'heure ce n'est que théorie.

Post-scriptum

Il ne faut pas se méprendre sur le titre. Évidemment il n'y a aucune risque que ça annihile les masques en tant qu'objets. En revanche, ça pourrait peut-être en annuler les effets escomptés, voire pire (à cause d'un sentiment de sécurité mal fondé et d'une montée d'un refus systématique de son port). C'est donc le masque en tant que mesure préventive qui pourrait être annihilé, sanitairement et socialement. Et mieux vaudrait ne pas négliger ce second terme de l'équation. De plus, rappelons qu'il nous semble qu'il faudrait prendre en compte l'efficacité du masque en conditions réelles (en prenant en compte que son périmètre d'imposition peut contribuer à les modifier) et non dans l'hypothèse idéaliste (et franchement idiote) du parfait respect par tout le monde de tout ce qu'il faudrait faire pour le plein maintien de l'efficacité du masque, sans oublier qu'il y a masque et masque.