La déclaration animaliste de New York : redondante, mais courte

Le 7 juillet 2012, a été publiquement énoncée la déclaration de Cambridge sur la conscience (Philip Low, Jaak Panksepp, Diana Reiss, David Edelman, Bruno Van Swinderen et Christof Koch). Le 29 mars 2019, c'était cette fois la déclaration de Toulon sur la personnalité juridique des animaux (Louis Balmond, Caroline Regad et Cédric Riot). Le 4 octobre 2022, c'était au tour de la déclaration de Montréal sur l'exploitation animale (Martin Gibert, Valéry Giroux et François Jaquet).

Enfin, le 19 avril 2024, nous avons eu le droit à la déclaration de New York sur la conscience animale. Elle n'est pas bien longue. D'ailleurs la voici dans son intégralité (hors liste interminable de signataires) :

Which animals have the capacity for conscious experience? While much uncertainty remains, some points of wide agreement have emerged.

First, there is strong scientific support for attributions of conscious experience to other mammals and to birds.

Second, the empirical evidence indicates at least a realistic possibility of conscious experience in all vertebrates (including reptiles, amphibians, and fishes) and many invertebrates (including, at minimum, cephalopod mollusks, decapod crustaceans, and insects).

Third, when there is a realistic possibility of conscious experience in an animal, it is irresponsible to ignore that possibility in decisions affecting that animal. We should consider welfare risks and use the evidence to inform our responses to these risks.

Résumons donc ces déclarations universitaires. En 2012, on nous dit qu'il n'y a pas que les humains qui ont une conscience, au moins d'autres espèces animales en auraient aussi une. En 2019, on exhorte à une traduction juridique, c'est-à-dire que les animaux non-humains sortent du régime des biens et soient considérés comme des personnes. En 2022, on prend le point de vue éthique et on condamne l'exploitation animale. En 2024, on enfonce le clou sur le constat de la conscience chez un certain nombre d'espèces animales non-humaines, qu'on doit en tenir compte et appliquer le principe de précaution.

Cependant, on n'appelle pas pour autant au véganisme, ce même dans celle de 2022 qui prend pourtant la problématique du point de vue éthique. D'ailleurs la signature est ouverte à des gens qui ont publiquement exprimé ne pas être contre l'usage d'animaux conscients dans certaines circonstances. C'est entre autres ces éléments qui ont motivé le théoricien critique Gary Francione à ne pas signer la déclaration de Montréal, comme il l'a expliqué sur son blogue le jour de sa parution : Why I Did Not Sign the Montreal Declaration on Animal Exploitation .

Maintenant que le contexte est bien planté, qu'apporte la déclaration de New York publiée en 2024 ? C'est fort simple : à rien, rien du tout, du moins pour les animaux non-humains. En effet, toutes les déclarations mentionnées sont restées vagues sur la ou les conséquences pratiques. On peut bien étendre à d'autres espèces et invoquer le principe de précaution, mais à quoi ça sert d'étendre du (quasi-)vide ? Par exemple pour les cochons dont il est difficile de nier la conscience, à quoi sert la déclaration de Cambridge de 2012 ? à quoi sert la déclaration de Toulon de 2019 ? à quoi sert la déclaration de Montréal de 2022 ? Faut-il arrêter d'en faire du saucisson, du jambon, etc. ? Peut-être, mais peut-être pas ! Aucune déclaration n'appelle ne serait-ce qu'à arrêter de les exploiter et les tuer pour se nourrir quand on a la possibilité de se nourrir adéquatement autrement. On peut donc étendre l'inconséquence à d'autres espèces, mais ça n'aide en rien à respecter les intérêts des individus des espèces à qui a été étendu le (quasi-)rien.

Mais en fait, on peut plus simplement se rallier au commentaire qu'en a fait Gary Francione. Sur l'ordinato-plateforme privatrice et centralisée Twitter/X, le 10 mai 2024, il raille : Academics declare that animals other than humans have conscious experience. Profound. We've had anticruelty laws for 200+ years. They don't apply to rocks. They apply to animals to whom we can be cruel. And that means animals who are subjectively aware.

Si malgré la ou les intentions affichées, ces déclarations ne servent pas les intérêts des animaux non-humains, alors à quoi servent-elles ? Car si elles sont produites, ça ne peut pas être pour rien. Rien n'apparait spontanément, d'une manière acausale. La réponse nous parait simple : ce vernis universitaire, qui n'apporte rien de concret pour la prise en compte matérielle des intérêts des animaux non-humains, ça sert les universitaires et les idéalistes qui gravitent autour et s'émerveillent de proclamations en toc. Car les grandes déclarations, c'est très bien pour son capital symbolique, du moins en cette période minable où l'abstrait creux est plus valorisé que le concret. Ce qui se comprend de par le fait que ça ne risque pas de gêner grand monde, à part bien sûr les individus qui subissent le problème, cependant là il ne s'agit même pas d'humains comme avec le climat ou les migrant·e·s, mais d'animaux non-humains (et même pas des palestinien·ne·s !), donc l'empathie pour leurs situations matérielles concrètes est au plus bas et par ricochet le conséquentialisme vis-à-vis de leurs intérêts concrets.

Bref, cette déclaration de New York de 2024 est redondante et n'apporte rien de concret par son extension de conscience. Mais au moins elle est courte. Espérons que le soit également l'importance qui peut lui être accordée, mais celles qui l'ont précédé ne vont tristement pas dans ce sens, du moins avec le milieu animaliste actuel… qu'on peut avoir quelques envies de bousculer.