Sur le "progrès", les traders et l'écologie

Il y a plein de manières d'évaluer le progrès. Ne pas prendre en compte les problèmes écologiques ou les négliger est un élément crucial dans l'impression très partagée de progrès (du moins au moment de l'écriture de ce texte, c'est-à-dire en 2018, et dans les pays industriellement développés). Cependant, cela cache potentiellement de plus importantes régressions, y compris avec le même modèle d'évaluation (en l'appliquant plus tard). Mais on peut constater le "progrès" tout de suite, tandis que l'impact de la régression écologique (pour l'humain) ne pourra l'être qu'après. Comme les traders, nous empochons les rendements tout de suite, mais simultanément nous accumulons les risques, qui se matérialiseront potentiellement plus tard et que nous avons tendance à négliger jusqu'au potentiel effondrement (où il est bien sûr trop tard pour les personnes le subissant, mais qui pourrait être un élément historique intéressant si cela permet d'éviter un autre effondrement, à moins que l'on souhaite qu'il se produise et qu'on ait le courage d'en assumer les conséquences).

S'il y avait un système de rétro-action(s) négative(s) qui calmerait assez tôt l'élan suicidaire (en incitant suffisamment à limiter les risques, voire en supprimant la possibilité d'en prendre), alors un effondrement pourrait être évité. Plus radicalement un changement de système (si c'est possible), qui suppose l'effondrement du système à remplacer (qui peut être volontaire, c'est-à-dire non subi), peut permettre d'échapper à un effondrement jugé plus redoutable. Mieux vaut ne pas compter sur la très hypothétique vertu des agents, à concilier avec héroïsme le système et ses contradictions. Paradoxalement, le succès (temporaire) d'un système peut le mener potentiellement à sa perte (en ayant exacerbé ses contradictions).

Références

Sur le sujet des traders et de la finance capitaliste, on peut lire la délicieuse analyse de Frédéric Lordon dans le livre "Jusqu'à quand ? Pour en finir avec les crises financières" (qui a été publié en 2008 aux éditions "Raisons d'agir"). Pour ce qui est d'un potentiel effondrement de la civilisation thermo-industrielle, on peut lire le livre "Comment tout peut s'effondrer - Petit manuel de collapsologie à l'usage des générations présentes" qui est simple et sourcé (avec Pablo Servigne ainsi que Raphaël Stevens pour auteurs et dont la publication a été faite en 2015 chez les éditions du Seuil dans sa collection Anthropocène). À propos de la vertu, on peut se pencher sur la philosophie de Baruch Spinoza (qui nie le libre arbitre comme réalité concrète).