Sur la casse directe du mobilier urbain
Le site web Paris Luttes a proposé une réflexion, que l'on peut penser comme intéressante, sur les personnes qui cassent directement du mobilier urbain. L'article est intitulé "Réflexions sur la casse en manif et les événements du 1er mai à Paris". Il a été publié le 2 mai 2018 et mis à jour le 4 mai de la même année.
Pourquoi ne pas simplement évoquer des casseurs et casseuses ? Parce qu'il y en a d'autres qui cassent et souvent bien plus : par la domination sociale (capitalisme, patriarcat, racisme, xénophobie, spécisme, etc.), par la non maintenance (par exemple via la délocalisation et l'évasion fiscale qui est néfaste aux budgets de certaines infrastructures collectives non privées), par la pollution (réchauffement climatique, extermination des conditions de vie d'une partie considérable des espèces, dégradation des sols et des réserves d'eau potable, déchets nucléaires, etc.), par l'impérialisme (colonisations, guerres, etc.), par la destruction directe (comme des flics à Notre-Dame-Des-Landes en 2018 ou dans des bureaux de vote en Catalogne en 2017), par des armes (fusils, matraques, gaz lacrymogène, etc.), etc. Bien entendu, ces destructions et déterriorations ont tendance à être moins perçus comme de la casse, puisque, dans les psychés, il y a une tendance à naturaliser le système (qui est pourtant particulier).
L'article parle de "violence du capitalisme" pour la pollution atmosphérique, le patriarcat et le racisme. Au moins, pour le le patriarcat et le racisme, je pense que le capitalisme amplifie le phénomène, mais je ne pense pas qu'il en soit la cause, ces 2 problèmes existaient en effet déjà avant. Pour ce qui est de la pollution atmosphérique (excédentaire à ce que l'environnement peut "paisiblement" absorber), cela me semble plus discutable. En effet, on peut juger qu'il n'y en a pas eu avant le capitalisme, ce qui amène certaines personnes à préférer le terme "Capitalocène" au détriment de "Anthropocène" (et à ce sujet on peut lire par exemple les livres suivants : "L'anthropocène contre l'histoire" de Andreas Malm chez La Fabrique et "Le Capitalocène" de Armel Campagne aux éditions Divergences). Cependant je suis sceptique sur l'hypothèse que le socialisme ou le communisme ne pourraient nécessairement pas engendrer de pollution atmosphérique grâce à une nouvelle forme d'organisation et d'idéologie dominante en adéquation. Peut être qu'il n'y aurait matériellement plus possibilité de faire autrement au moment où ce type de système politique sera potentiellement instauré à large échelle (on pourrait me reprocher d'omettre entre autres ce que fait l'EZLN au Chiapas, mais je connais assez peu la situation et environ 1 million de personnes peut être considéré comme n'étant pas une large échelle), mais cela ne justifierait pas dans l'absolu qu'une organisation socialiste ou communiste (c'est-à-dire une organisation qui aurait enfin instauré la démocratie dans la production et l'investissement en plus du reste) n'engendre pas par nature de pollution atmosphérique excédentaire à ce que l'environnement ne peut absorber sans changer d'état.
Je suis très sceptique sur l'utilité (pour la lutte globale) de petites casses dispersées (c'est par exemple bien différent d'un sabotage dans un collectif ciblé pour empêcher des "jaunes" de casser une grève), même si les cibles sont des symboles ennemis et que ce genre d'action doit (fort probablement) être jouissif pour les révolutionnaires (via le défoulement sur des symboles de ce qu'ils combattent), d'autant plus étant donné le risque personnel (à cause de la répression policière et dans de très rares cas de personnes non mandatées par l'exécutif qui veulent rendre "justice" par elles-mêmes) et collectif (puisque des personnes n'employant pas ce genre de méthodes peuvent être touchées par une répression au moins partiellement aveugle, c'est-à-dire une répression qui ne serait pas correctement ciblée, parfois involontairement mais pas toujours). Cependant cela ne devrait pas empêcher d'en débattre, même si le passage à l'acte est illégal. De plus, les personnes en faveur d'une Société Nouvelle, qui aurait enfin désatrophié la démocratie en y incluant à minima la production et l'investissement avec potentiellement également un dépassement de l'État, devraient (selon moi) être prudentes avant de potentiellement hurler à propos des personnes qui cassent d'après les médias dominants. En effet, le système actuel (à travers ses agents) fait une casse bien plus considérable et peut donc amener à analyser la "violence" des "casseurs et causeuses" comme de la légitime défense contre ce système injuste. À cela on pourrait rajouter l'exemple empirique de la Révolution française remplaçant une monarchie par une république, qui n'a pas été un joyeux pique-nique et dont on peut juger qu'une part de la violence révolutionnaire a vraisemblablement été nécessaire à son "succès" alors qu'elle n'a pas inclus que de la dégradation matérielle d'objets inertes.
Sur le même sujet
- Le post-scriptum "Violences admissibles, violences inadmissibles" de l'article "En guerre – pour la préemption salariale !" (écrit par Frédéric Lordon et publié sur son blog "La pompe à phynance" hébergé par le journal "Le Monde diplomatique"
- La casse matérielle, un geste pour la préservation de l'éco-sphère ? (par Nicola Spanti, sur son site web)
- Sur les vitres brisées d'une boucherie pour protester contre le spécisme (par Nicola Spanti, sur son site web)
Licence
Le site web Paris-Luttes.info n'a pas indiqué de licence pour l'article mentionnée. Il ne semble pas non plus avoir une politique par défaut pour la licence de ce qui est publié dessus. En conséquence, le droit d'auteur par défaut (qui dépend selon les juridictions) s'applique sur l'article, à moins bien sûr qu'il y ait une indication sur la licence (que je n'aurais pas remarqué).
Mon commentaire est sous la licence Creative Commons 0 (en version 1.0) (qui permet de mettre volontaire une création dans le domaine public). La licence citée autorise l'utilisation pour tous les usages, la modification, ainsi que le partage quelque soit la forme (code HTML, PDF, impression papier, projection, etc.) et le canal (journal, livre, Internet, clé USB, etc.) dont sa nature (centralisé, pair-à-pair, commercial, etc.) que cela soit une version originale ou modifiée.