Pourquoi vous devez vous prémunir de la pub et ne jamais accepter de payer pour une version sans pub

J'observe de plus en plus de sites web à vocation commerciale qui se plaignent des logiciels anti-publicité. Le discours est culpabilisant. En gras clignote la liste des emplois menacés par votre malveillance. Méchant, vous utilisez un logiciel sur votre ordinateur personnel qui n'affecte que vous ce qui vous rend responsable de la pauvreté et de la faim dans le monde.

Quoi que vous puissiez lire, vous avez le droit moral d'utiliser un logiciel anti-publicité. Pire, infâme que je suis, j'estime avoir une obligation morale vis-à-vis de mon cerveau et de ma bande passante d'utiliser ce type de logiciel.

La publicité vendeuse

J'ai déjà parlé du coût réel de la publicité. Celle-ci cherche à envahir votre subconscient. Moralement, je trouve cela inacceptable. C'est pourquoi je bloque autant que possible ces tentatives.

Avec la publicité, les clients des producteurs de contenu sont les publicitaires et non plus les lecteurs. En tant que lecteurs, vous n'avez donc aucune obligation morale de voir votre cerveau vendu au plus offrant.

Vous avez donc le droit moral inaliénable de visiter un site avec un logiciel anti-publicité, tout comme vous avez le droit de détourner le regard d'un panneau publicitaire dans la rue ou d'aller faire pipi pendant la pause publicité à la télévision. Le contenu a été rendu public par le site web, à vous de choisir la manière dont vous voulez le consommer.

Si vous estimez que le site mérite votre argent, faites lui un don directement. En acceptant les pubs sous prétexte de soutenir le site, c'est une petite partie qui ira finalement au site en question. En réalité, vous soutenez en bonne partie les régies publicitaires.

La publicité envahissante

À côté de la publicité vendeuse, une nouvelle forme de publicité a fait son apparition dont le but n'est pas de vendre un produit mais bien d'ennuyer le lecteur. Particulièrement visible dans des jeux gratuits mais également présent sur beaucoup de sites web.

Le produit ? Une version du site sans publicité. Ce qu'offre justement un logiciel anti-publicité. Le propriétaire essaiera donc de vous convaincre qu'il est immoral de faire gratuitement ce qu'il vous propose de manière payante.

En acceptant de payer, vous encouragez les sites à vous ennuyer. Au plus ils vous ennuient, au plus vous paierez ! Il s'agit donc d'un anti-business, une forme de racket pur et simple.

À ce stade, vous n'avez pas de leçon de morale à recevoir de l'auteur.

Le sempiternel argument moral

De manière générale, méfiez-vous comme de la peste de tout business qui tente de vous convaincre qu'obtenir gratuitement ce qu'il vend est immoral.

L'argument de la moralité fait partie intégrante du processus de deuil d'une industrie sur le déclin, c'est un grand classique. Mais vous n'avez pas à vous laisser prendre pour autant.

Les producteurs de contenu choisissent, en connaissance de cause, de publier un contenu sur le Web, le rendant public et disponible. Ils veulent ensuite vous faire croire que, moralement, vous devez obligatoirement consommer le produit annexe (la publicité). Avez-vous signé un contrat pour cela ? Non, vous êtes donc libre de télécharger ce que vous voulez et de ne pas télécharger ou bloquer ce que vous voulez. Le fait que vous souhaitiez surfer sur le Web en mode texte, avec JavaScript désactivé, avec un logiciel anti-téléchargement de publicités, ou avec un bloqueur de publicités ne regarde que vous.

La fin d'un business

Oui, certaines entreprises vont faire faillite. Oui, des sites vont disparaître. Oui, des travailleurs vont devoir se reconvertir. Ou innover. Mais ce n'est pas votre problème. Vous êtes libre de consulter le contenu mis à votre disposition de la manière qui vous convient le mieux. Personne ne peut y trouver à redire.

En contrepartie, si vous aimez du contenu, n'hésitez pas à sortir quelques centimes de votre porte-monnaie. Mais vous n'êtes pas obligé, et vous payez ce que vous voulez.

Si votre propre business dépend de la publicité, posez-vous les questions suivantes. Est-il facile de vous donner de l'argent ? Vous avez essayé et les chiffres sont faibles ? Mais apportez-vous une réelle plus-value à vos lecteurs ? Ou travaillez-vous pour les annonceurs ? Vos lecteurs sont-ils passionnés par votre travail ou simplement présent en nombre par habitude et par immobilisme ? Est-il vraiment impossible d'imaginer qu'un logiciel anti-publicité soit un jour installé par défaut ?

Tenter de culpabiliser vos lecteurs et lectrices est-il vraiment la meilleure manière de les intéresser à votre projet ? Est-ce une vision souhaitable sur le long terme ?


Cet article est une version modifiée de Pourquoi vous devez utiliser AdBlock. Il a été écrit par Lionel Dricot (aussi connu sous le pseudo Ploum) et publié le 28 mai 2013.

L'article original utilisait l'expression "bloqueurs de pub". Un bloqueur stoppe quelque chose qui arrive. Hors l'article mentionnait le logiciel AdBlock Plus, qui contrairement à ce que laisse supposer son nom n'est pas un bloqueur de publicités, en effet il fait en sorte de ne pas les faire télécharger, dit autrement il fait en sorte qu'elles ne soient pas demandées, elles n'arrivent donc jamais. Au moins jusqu'en 2016, AdBlock Plus est un anti-téléchargeur de publicités, mais pas un bloqueur. Par défaut, AdBlock Plus est complaisant avec des publicités soit-disant acceptables, ce qui va contre l'idée de l'article et cache un business malsain. De plus, Adblock Plus peut remplacer les publicités que son concepteur juge non acceptables par d'autres publicités ! L'expression "logiciel anti-publicité" a donc été préférée.

Les références à Flattr, Patreon et PayPal (des services privateurs et centralisés) ont été enlevées. Cela permet aussi à l'article de mieux veillir (car ce sont des services, voires des technologies au sens large du terme, particulières), c'est pourquoi BitCoin (libre et décentralisé) n'est également plus mentionné. Il y a également d'autres modifications.

Le texte original est sous la licence Creative Commons BY Belgique. Les modifications de Nicola Spanti sont sous la licence Creative Commons 0 (ce qui revient à les placer dans le domaine public volontaire).