Proposition courte pour une organisation à grande échelle qui minimiserait l'inégalité de pouvoir

Cela revient à laisser au bas le maximum dont il peut s'occuper. Pour ce qui reste, il faut minimiser et réguler la concentration de pouvoir d'une manière institutionnelle qui s'efforce d'être la plus démocratique possible. L'horizontalité totale, qui serait sans institution, est donc pensée comme un point asymptotique, donc jamais atteignable, mais vers lequel on tente de s'approcher au plus.

Auto-gestion

Pour minimiser l'inégalité de pouvoir, il faut que la masse exerce le plus possible le pouvoir par elle-même. Gérer ses affaires par soi-même autant que faire ce peut, voila qui pourrait être une définition simple de l'auto-gestion, en ayant bien conscience que cela est au niveau individuel et collectif. La concentration de pouvoir restante doit être jugulée par des mécanismes institutionnels. Ceux-ci doivent limiter, voire éliminer si possible, notamment l'accaparement par certaines personnes, la durée, le périmètre, l'opacité, et le maintien des personnes ayant abusé du pouvoir.

Mandat impératif

Un mandat impératif consiste à confier une tâche à une personne (individuelle ou morale) dans certaines conditions. En effet, le domaine de la tâche doit être retreint et de préférence minimal, il en est de même pour la temporalité, et il y a la possibilité de la révocabilité qui doit être aussi simple ou presque que de confier le mandat. Pour qu'il puisse y avoir un contrôle effectif du mandat et faciliter sa reprise par une autre personne, il faut imposer la transparence à la personne (individuelle ou morale) mandatée. De plus, pour éviter l'accaparement par une ou plusieurs personnes, il est préférable que les mandats soient tournants et non-cumulables autant que possible, c'est-à-dire limiter les possibilités de reprendre un même mandat et de les accumuler. Précisons que plusieurs personnes (individuelles ou morales) qui se verraient confier un mandat sont de facto une personne morale, et ce même s'il n'en était pas ainsi avant.

Préalablement à l'exécution du mandat, il faut définir qui s'en charge. On peut pour cela envisager plusieurs méthodes, que l'on peut plus ou moins combiner entre elles selon les cas. Une méthode d'attribution du mandat est l'élection, cela permet qu'il y ait une certaine confiance préalable de la personne mandatée, toutefois cela peut favoriser certains types de personnalité et ainsi engendrer un accaparement, d'autant plus si le mandat est attribué à un individu ("personne individuelle") et non à un groupe ("personne morale"). Il faut noter qu'il existe de multiples manières de réaliser une élection et elles peuvent causer des résultats significativement différents. Une autre méthode d'attribution d'un mandat est le tirage au sort, qui a l'avantage d'être simple et qui est intrinsèquement tournant, mais il faut toutefois définir qui peut être tiré au sort (tout le monde ? seulement les volontaires ? etc.). On peut combiner différentes méthodes d'attribution, par exemple en une utilisant une pour certains mandats et une ou plusieurs autres pour d'autres mandats, ou bien en attribuant une partie des mandats d'un même type avec une méthode et l'autre partie avec une ou plusieurs autres méthodes.

Passage à l'échelle

Le passage à l'échelle est une autre manière de nommer la coordination et la mutualisation. L'auto-gestion maximale est possible au niveau local, mais elle ne l'est point à une échelle plus grande. Il faut donc une ou plusieurs structures sociales qui soient "au-dessus" de celles locales. Elles n'ont pas pour autant à avoir plus de pouvoir que les collectifs locaux, du moins leur périmètre doit être bien plus restreint, mais elles doivent avoir un pouvoir supérieur sur certains éléments clés très restreints. Toutefois c'est les collectifs locaux qui doivent collectivement contrôler le ou les structures "supérieures" (qui le sont dans la hiérarchie des normes et pas dans le champ de ce sur quoi elles peuvent se prononcer). Pour ce faire, il y a le mandat impératif, qui peut être utilisé pour une seule personne, mais il vaut mieux dans la mesure du possible privilégier que ce soit un groupe de personnes, avec généralement de préférence au moins une personne de chaque échelon "inférieur" et avec équité. Une structure "supérieure" peut être de type fédéraliste ou confédéraliste.

Pour un même sujet, il peut y avoir plusieurs échelles, ce qui permet de disséminer le pouvoir, et engendre toutefois de la bureaucratie, donc il faut toutefois un juste équilibre. Il peut être pertinent qu'il n'y ait pas une seule pyramide des structures, puisque la spécialisation s'avère parfois pertinente dans une certaine mesure. Toutefois il faut veiller à garder une unité supérieure, il faut donc tout de même une structure qui soit "au-dessus" de toutes les autres sur certains éléments clés très restreints ou au moins un.

Comment plus précisément ?

Le but de cet article est de donner des grands principes généraux, que l'on peut retranscrire concrètement de plein de manières et dont on peut faire de multiples usages. Or, puisqu'il a été voulue qu'il soit court, il n'a pas vocation d'aller plus loin dans la réflexion, qui est donc notoirement incomplète pour l'appliquer concrètement. De plus, préciser le comment restreindrait la généricité de l'article. Toutefois si l'on voulait approfondir, il y a de quoi faire.

Une "proposition" qui n'a rien de nouveau

Cette "proposition" n'est qu'une mise sous forme textuelle de grands principes d'une manière courte et générique. Ceux-ci lui ont préalablement existé, mais l'intérêt souhaité du présent article est la manière de les exposer. Théoriquement, c'est un modèle d'organisation de type baséiste, que l'on retrouve typiquement dans ce qu'on pourrait appeler l'anarchisme institutionnel. Parmi les manières spécifiques d'en faire une réalisation, auxquelles il ne faut donc pas pour autant se borner, il y a entre autres l'anarcho-syndicalisme et le municipalisme libertaire. Un exemple historique de syndicalisme très développé s'est produit en Espagne au 20ème siècle avec la Confederación Nacional del Trabajo. Pour ce qui est du municipalisme libertaire, Murray Bookchin (1921-2006) s'est particulièrement efforcé de l'expliquer et le théoriser, mais l'idée n'est pas de lui. Les kurdes au Rojava s'en sont revendiqués, mais parfois sous l'appellation de confédéralisme démocratique. Un autre exemple est les zapatistes au Chiapas (qui se situe au Mexique). Pour sa part, le spinoziste Frédéric Lordon a proposé de s'intéresser entre autres à Johannes Althusius (1557-1638) dans son livre Imperium (éditions La Fabrique, 2015).