Filtrage par défaut des publicités web par Free

Le 3 janvier 2013, Free a introduit une nouvelle fonction dans sa Freebox Revolution ou v6. Il s'agit d'un bloqueur de publicités, qui comme son nom l'indique bloque les publicités web. Cette fonction est activée par défaut.
Cela crée une polémique sur Internet, avec les pour et les contre. Je vais vous donner mon point de vue, en essayant de l'expliquer du mieux que je le peux.

Le bloqueur de publicités en lui-même

Le bloqueur de publicités ne bloque pas toutes les publicités, mais uniquement certaines venant du Web. Par exemple, celles sur les chaines de télévision ne peuvent pas, pour l'instant (03-01-2013), être enlevées.
Google Adsense, NetAvenir, AdTech et d'autres régies de publicités sont touchés. La liste (non publique) peut changer à tout moment, sans que Free ne prévienne personne.
Il n'existe pas de fonction liste blanche, qui permettrait de sélectionner des sites acceptés où les publicités s'afficheraient.
Le blocage en lui-même est ainsi semblable à ce que propose AdBlock (il dispose de la fonction liste blanche). Par contre, ce plugin n'affecte que le navigateur sur lequel il est installé; tandis que le blocage de Free s'applique à toutes appareils connectés à la Freebox, que ce soit par Ethernet ou Wifi.

Google plus touché que les autres, une coincidence ?

Les publicités de Google seraient très efficacement bloquées (pour l'accès Internet fixe, je ne suis pas chez Free), mieux que certains de ses concurrents.
Cela ne serait pas étonnant. En effet, Free voudrait que Google paye (notamment Free) pour financer le réseau Internet, alors que cela est l'uniqque tache des fournisseurs d'accès à Internet.

Les conséquences du filtrage

Ceux qui mettent de la publicité ne le font par plaisir : la publicité est une source de financement. Ainsi, certains sites web vont être privé d'une de leur source de revenus. Cela peut être problématique quand des sites dépendent uniquement de cette source, le blocage publicitaire peut les faire mourir.
Le FAI Free pèse tout de même pour environ 1/4 des abonnés à un accès à Internet fixe. Un site web, avec des publicités bloquées par Free, peut voir ses revenus baisser jusqu'à -25%, ce qui est énorme.

En réponse à cela, on lit souvent les webmasters n'ont qu'à utiliser d'autres moyens de financement. Il est vrai qu'il en existe de nombreux qui peuvent plus ou moins être utilisés simultanément, tel que : les dons (Wikipédia vit uniquement grâce à cela), du contenu payant ou tout le site payant, etc.
Mais, rien ne garantit que d'autres sources de revenus pourront combler le manque à gagner (cela dépend naturellement de chaque site web).
Imaginez ce que cela pourrait être dans la vie physique avec la presse. Votre marchand de presse vous proposerait les journaux de presse avec les publicités préalablement découpées et mises à la poubelle. La version originale ne serait accessible qu'en lui demandant explicitement, ça ne devrait pas être le contraire ? En effet, les prix gagnés par les publicités dégringoleraient, puisque elles seraient vues par moins de personnes.

Vers un filtrage plus étendu ?

Free a développé cette fonction dans le but de bloquer les publicités. Mais, rien n'empêche Free d'ajouter d'autres sites web, qui n'ont rien à voir avec la publicité, dans sa liste noire.
Par exemple, les concurrents des sites web, dans lesquels Free ou son PDG (Xavier Niel) sont actionnaires, pourraient être bloqués. Xavier Niel est d'ailleurs actionnaire du journal Le Monde, pourquoi ne pas bloquer Le Figaro, Le Point et consorts ?
D'ailleurs, Free a déja commencé à bloquer autre chose que des sites de publicité en s'attaquant à Google Analytics.

Ce qui pose problème : le fait que cela soit par défaut

Installer un filtre de pub ou en activer un (désactiver par défaut), c'est un choix de l'utilisateur.
Si le filtreur de pub est activé par défaut, ce n'est pas un choix. Ainsi par défaut, les abonnés Free ont accès à un Internet bridé (meilleur selon le bien-pensant qu'est cette société), comme le font des FAI chinois (d'une manière plus profonde et non-désactivable). Cela nuit grandement à la neutralité des intermédiaires techniques, c'est donc mauvais pour Internet.
De plus, Free n'a prévenu personne ni avant, ni pendant l'activation. La majorité des utilisateurs de Free ne savent donc pas que des publicités ont été enlevées. S'ils le savaient, certains désactiveraient la fonction, mais comme ils ne le savent pas... Ceux qui apprenderaient la nouvelle et voudraient désactiver la fonction n'ont aucun guide officielle, même si ce n'est pas compliqué.

Faute d’inspiration, je vais citer une partie de l'article de Benjamin Bayart (article que je vous recommande) :

S'il est prouvé que la mesure a pour objectif de nuire à une entreprise précise, ça ne l'est probablement pas, parce que c'est une entrave à la concurrence libre et non-faussée.

Même si ce n'est pas le cas, c'est de toutes façons exercer une pression très forte sur de très nombreux marchés annexes. Beaucoup de sites web vivent de la publicité. Par exemple des pans entiers de la presse en ligne, ou des services prétendument gratuits, etc. Free représente un gros morceau du marché de la fourniture d'accès à Internet. Je ne suis pas certain que l'entreprise ait le droit d'utiliser son poids pour écraser ces entreprises en faisant disparaître artificiellement leur clientèle.

De plus, étant donné que l'option est activée par défaut, Free risque de se heurter à l'article 226-15 du code pénal :
Le fait, commis de mauvaise foi, d'ouvrir, de supprimer, de retarder ou de détourner des correspondances arrivées ou non à destination et adressées à des tiers, ou d'en prendre frauduleusement connaissance, est puni d'un an d'emprisonnement et de 45000 euros d'amende. Est puni des mêmes peines le fait, commis de mauvaise foi, d'intercepter, de détourner, d'utiliser ou de divulguer des correspondances émises, transmises ou reçues par la voie électronique ou de procéder à l'installation d'appareils conçus pour réaliser de telles interceptions.

Conclusion

Cette décision risque de réduire ou détruire les finances d'un grand nombre de sites web, alors que ce n'est pas forcément voulu par les utilisateurs.
Je vous encourage donc à manifester contre le filtrage par défaut et informer vos amis.
Si vous voulez bloquer les publicités, faites le vous-même en installant un logiciel sur votre ordinateur (comme le recommandait le directeur technique de Free).

L'affaire évolue

Problème réglé : l'option est désactivée par défaut

Suite au buzz sur Internet, Free a promis de désactiver par défaut l'option. Cela a eu lieu le 7 janvier 2013.
Entre temps, cela a relancé le débat sur la neutralité de Internet en France.

L'accès à Internet via le réseau mobile y passe

Le 17 javnvier 2013, les clients de Free mobile se voient également proposer un filtrage publiciatire (désactivé par défaut).
Cette fois, ce n'est plus le matériel de l'abonné qui filtre, mais directement le réseau de Free. C'est donc une atteinte à la neutralité du réseau.