Feminuary : ça vous dit ?
Les femmes ne sont-elles pas, à quelques différences près, comme les hommes ? Si on admet que oui, ne devraient t'elles alors pas être considérées par les hommes comme si c'était des hommes ? Et si les intérêts des femmes comptent autant que les intérêts des hommes, alors ne faudrait t'il pas que les hommes ne les exploite pas et ne se permette pas de les tuer parce qu'elles ne font pas ce qu'ils veulent ? Sans la moindre hésitation, quelle audace !, nous répondons oui à tout !
Cependant, il y a un mais. Les hommes profitent des femmes, ce depuis fort longtemps. Le rapport hommes-femmes en faveur des hommes, que l'on peut nommer patriarcat, est fortement ancré dans la société, notamment chez les hommes. Et pour cause : les hommes sont favorisés par ce rapport social asymétrique, ils ont pour partie un intérêt à ce qu'il continue. De plus, c'est tellement fortement ancré que ça ne va pas disparaitre en un jour, ça mettra fort longtemps pour être éradiqué.
Or il y a 50% d'hommes et 50% de femmes. Les femmes ne peuvent donc d'elles-mêmes uniquement imposer l'égalité sexuelle ou de genre. Il faut la collaboration des hommes ou du moins d'une partie d'entre eux. Par conséquent, il ne faut pas trop les brusquer, il faut les accompagner.
Cela va à l'opposé d'un certain féminisme. Il faudrait que les hommes arrêtent de suite d'être patriarcaux, ils auraient un impératif moral à arrêter de suite et il faudrait conspuer jusqu'aux tièdes ! Mais c'est faire comme si le patriarcat allait disparaitre du jour au lendemain, comme s'il y allait avoir un grand soir féministe à l'échelle individuelle et pourquoi pas collective. C'est faire preuve d'une carence évidente de pragmatisme.
Les hommes sont habitués aux bienfaits pour eux du patriarcat. C'est ancré dans leurs vies quotidiennes. S'en défaire leur est très compliqué, à fortiori totalement. Cela fait que l'altruisme de posture est bien peu efficace, voire contre-productif. Il faut un altruisme efficace, sans fanatisme, donc progressif et accompagnateur.
C'est pourquoi nous avons l'honneur de vous présenter notre merveilleuse idée : feminuary. Modernité oblige, c'est un nom anglais, la fusion de feminism et january. Si on veut franciser, on peut appeler ça le féminanvier. Mais en quoi cela consiste t'il ? C'est simple : inviter les hommes à se comporter correctement vis-à-vis des femmes durant le mois de janvier, avec plein de conseils pour les aider. En testant, ils verront que ce n'est pas forcément pas si dur et pourraient être tentés de continuer après le mois de janvier.
Les féministes fanatiques nous diraient qu'il ne faut pas attendre janvier et ne pas proposer d'essayer, mais que c'est un impératif moral à appliquer dès maintenant et pour la vie, donc qu'il faudrait le dire tel quel et conspuer les hommes patriarcaux. Mais cela n'est pas pragmatique, cela ne plaira pas aux hommes et cela conduit à ce qu'ils voient le féminisme d'un mauvais oeil, car c'est agressif envers eux, et ça peut même conduire à de la réactance qui peut amener des hommes à avoir plus envie d'exploiter les femmes et même potentiellement les tuer quand elles sont jugées faire trop chier.
Il faut comprendre les hommes, pourquoi c'est si dur pour eux d'arrêter. N'est-ce pas plus compliqué et coûteux pour les hommes de faire la cuisine ou d'acheter de la nourriture toute prête que de simplement demander à bobone de faire le repas ? Bien sûr que c'est plus simple et moins cher de juste demander à bobone. N'est-ce pas plus compliqué et coûteux pour les hommes de simplement demander à bobone de faire le ménage plutôt que le faire soi-même ou de payer quelqu'un ? Bien sûr que c'est plus simple et moins cher de juste demander à bobone. N'est-ce pas plus simple et objectivement allégant d'acheter un aspirateur ou une machine à laver à bobone le 8 mars plutôt que de se torturer l'esprit à lui trouver quelque chose d'autre ? Bien sûr que c'est plus simple et plus sûr de lui offrir un aspirateur ou une machine à laver. Aussi déplorable qu'on puisse penser que ce soit, il en est ainsi.
Mais aussi triste que ce soit, ça ne se borne pas à ce genre de choses. Dans la rue, dans la métro, sur les lieux de travail, etc., il y a des femmes, fraiches et alléchantes. Bien sûr, il est possible de tenter de les séduire, mais c'est compliqué et pas sûr que ça réussisse. Bien sûr, il est possible de s'acheter des jouets sexuels, mais c'est moins pratique et plus cher que de mettre la main au cul d'une disponible juste là ou carrément d'aller jusqu'à la violer , sans oublier que la femme a un haut de fiabilité en terme de qualité et qu'on n'est jamais aussi sûr avec le jouet. C'est sinistre, mais il faut le reconnaitre : pour les hommes, ne pas respecter les femmes, ça peut être plus simple et moins cher et efficace, tout en étant un élément important de la culture qui ne va pas s'évaporer avec des slogans ou du catéchisme moraliste.
Il faut donc expliquer aux hommes comment faire autrement, proposer aux hommes d'essayer, les accompagner avec gentillesse, etc. Et puis s'il n'arrive qu'à tenir en janvier ou qu'une partie de mois de janvier, ce sera tout de même déjà ça et ils pourront ré-essayer l'année prochaine en allant cette fois probablement plus loin. Le feminuary / féminanvier est une approche pragmatique, qui n'agresse pas les hommes en les écrasant pas un impératif moral rappelé avec virulence et violence.
De plus, il ne faut pas oublier les co-bénéfices : respecter les femmes est utile pour lutter ensemble contre le patron, des rapports sexuels respectueux sont mieux pour la durabilité du couple et peuvent procurer plus de plaisir par notamment la joie communicative de l'autre, les rapports sexuels non-consentis peuvent engendrer des enfants et c'est écologiquement mauvais, etc.
Vous trouvez l'initiative proposée, le feminuary / féminanvier, profondément choquante ? Vous trouvez qu'elle met injustement l'accent sur les difficultés des hommes au détriment des intérêts des femmes ? Vous avez tout à fait raison. Mais alors pourquoi avoir prétendu le contraire ? pourquoi avoir fait tout ce blabla sur ce truc fictif ?
Parce que ça existe ! Vous le saviez pas !? Petite précision : ça n'existe pas pour les femmes, mais ça existe pour les animaux non-humains. Et ce n'est pas une invention des chasseurs ou de Fabien Roussel, et c'est même soutenu par la célèbre association L214. Donc pas de feminuary, mais du veganuary…
Ne pas (faire) exploiter et ne pas (faire) tuer des animaux non-humains sentients, ce n'est pas une bonne idée. En effet, les êtres sentients peuvent ressentir la douleur, ils ont donc un intérêt à ne pas en subir. De plus, la douleur est un moyen pour la préservation de la vie, les êtres sentients ont donc aussi un intérêt à ne pas être tués, hormis quand ils l'ont sincérement et authentiquement voulu. Par conséquent, si on peut ne pas les (faire) exploiter et ne pas les (faire) tuer, alors on doit le faire, ce dans tous les aspects de la vie (alimentation, habillement, ameublement, loisir, etc.) et tout le temps.
Mais le veganuary propose lui juste de juste tenter pour le mois de janvier et ce se bornant à l'alimentation, c'est-à-dire au végétalisme en lieu et place du véganisme. Pour tenter de motiver au-delà des intérêts négatifs des animaux non-humains, peut-être pas bien importants, pourquoi ne pas mobiliser la santé humaine et l'écologie ?
Contrairement à ce qui peut être prétendu,
par exemple par les partisan·ne·s
de Peter Singer
et de son altruisme efficace
,
cela n'est pas pragmatique,
autant pour les femmes
que les animaux non-humains sentients.
Le fait de juste proposer
de tenter pour une période limitée
de respecter les intérêts négatifs
(à la non-exploitation et à la vie)
d'une catégorie d'êtres sentients
(les femmes, les noir·e·s,
les animaux non-humains qui le sont, etc.),
ça insinue le message
que le respect de leurs intérêts négatifs
n'est pas un impératif moral,
que c'est mieux de le faire
mais pas forcément plus.
Le fait de restreindre le respect des intérêts négatifs
à une sous-partie des résultats de l'oppression,
fut-elle la plus importante
comme l'alimentation
en ce qui concerne les animaux non-humains sentients,
ça favorise fortement
à ne pas ou peu considérer leurs intérêts négatifs
au profit de ceux du groupe oppresseur,
comme la santé des oppresseur·e·s
ou éviter de changer un environnement en leur défaveur.
En bref, pour éviter de s'attaquer au paradigme de l'oppression,
ça brosse dans le sens du poil les oppresseur·e·s
qui n'ont alors pas à se remettre en question
et sont juste gentiment invité·e·s
à tenter de tester de faire sans.
Certes, dire aux gens d'arrêter et pourquoi, ça ne va pas nécessairement les faire arrêter. Cependant, le message sera clair : il faut arrêter de suite et dans les aspects de la vie, non pour nous mais pour eux. Les gens qui franchiront le pas remmettront en cause le paradigme et pas une manière de s'alimenter ou d'avoir du plaisir. Ce sera identifié comme un combat politique et non comme un mode de vie parmi d'autres qu'on peut adopter ou non si ça ne nous plait pas. La lutte politique doit être menée et les intérêts des opprimé·e·s ne doivent pas être minorés, donc le paradigme de l'oppression doit être fermement combattu et ce n'est possible que par des gens qui tâchent de ne pas y contribuer. Par conséquent, il faut être très clair que les intérêts des potentiel·le·s exploiteur·e·s, au plaisir, à la commodité, à la conformance social, etc., sont très secondaires par rapport aux intérêts des opprimé·e·s.
Le feminuary / féminanvier va contre ça vis-à-vis des femmes. Le veganuary va contre ça vis-à-vis des animaux non-humains sentients. Comme l'illustre sa copie pseudo-féministe, le veganuary doit être abandonné et même combattu si l'on pense que l'espèce n'est pas un critère valable pour (faire) exploiter et (faire) tuer en l'absence de nécessité impérieuse. Il faut promouvoir le véganisme comme un impératif moral minimal vis-à-vis des animaux sentients. Ça ne fera pas tomber du jour au lendemain l'oppression dont ils sont l'objet, mais ça peut permettre de progressivement convaincre une part tendanciellement grandissante de la population, jusqu'au point de rupture où il y aura assez de véganistes pour l'interdiction et la répression des pratiques d'exploitation et de mise à mort d'êtres sentients en l'absence de nécessité impérieuse.
En rapport avec le sujet
Motivation au véganisme
-
Sentience
(Gary Francione,
fr.abolitionistapproach.com
, juillet 2012) -
Pourquoi le véganisme doit être la base
(Gary Francione,
fr.abolitionistapproach.com
, 2011) - Petit traité de véganisme (Gary Francione et Anna Charlton, éditions L'Âge d'Homme, 2015)
- Introduction aux droits des animaux (Gary Francione, éditions L'Âge d'Homme, 2015)
Références pratiques sur le véganisme
-
www.vivelab12.fr
(site web dédié à cette précieuse vitamine à ne surtout pas négligier) -
jemangevegetal.fr
(site web synthétique et sérieux sur la nutrition végétalienne) -
HowDoIGoVegan.com
(site web en anglais pour aider à devenir végan·e)
Réflexions sur comment militer
- Courtes thèses pour une organisation à dominante francionienne (Nicola Spanti, site web personnel)
- Advocate for Animals! An Abolitionist Vegan Handbook (Gary Francione et Anna Charlton, Exempla Press, 2017)