Violer le secret médical : la régression s'accentue

Le 12 juillet 2019, le Syndicat de la Médecine Générale publie "Nouvelle plateforme des données de santé : sous prétexte de progrès, profit pour certain·e·s, danger pour chacun·e". C'est terrible et c'est vrai. En effet, le gouvernement de France veut créer un Health Data Hub, c'est de l'anglais donc start-up nation ready ! Cela consisterait en un gros rassemblement de données médicales (quelle idée de créer pareille chose !), avec des usages bien flous (et pas juste à des fins, déjà contestables, de recherche, d'études ou d'évaluations) et une gestion peu contrôlée. Comme pour tous les méga-fichiers relatifs aux personnes, nous serions priés de ne pas nous inquiéter, tout serait sous contrôle avec de la bonne sécurité, ne reste plus qu'à avoir la foi. Le Syndicat de la Médecine Générale ne l'aime pas trop, pourtant de facto ce milieu n'a pas grand chose à foutre du secret médical, si ce n'est comme joli principe, comme la vaste majorité des gens.

En effet, les gens et les professionnels de santé ne se soucient en général pas ou peu de la confidentialité de la santé, mais on peut en fait étendre le constat bien plus généralement. En effet, les transactions bancaires sont utilisées, alors que les banques peuvent enregistrer les transactions (qui, quand, où, quel montant, et peut-être plus), de quoi en déduire quelques petites choses, et c'est un euphémisme. De même, nombre de personnes vont consulter avec un téléphone portable bien connecté au réseau et presque aucun professionnel de santé ne perçoit de problème à communiquer via le réseau téléphonique mobile, donc ce moyen de communication anti-confidentialité est utilisé pour contacter les personnes demandeuses de santé. Pourtant les opérateurs mobiles peuvent enregistrer les positions datées de l'appareil relié au réseau mobile, permettant de savoir encore une fois bien des choses en recoupant avec une carte (quand, pendant combien de temps, à quelle fréquence, changement de comportement de déplacement entre l'état malade et non-malade, avec qui, et la liste serait peut-être à compléter). On pourrait rajouter les plateformes centralisées et commerciales pour s'inscrire pour avoir des soins ou sur-lesquelles l'information est parfois mise sans même le consentement et parfois même sans que ce soit dit. En effet, aucun tiers ne devrait avoir ce genre d'information, puisque cela n'a pas besoin d'être divulgué et que la discrétion devrait être perçue comme un devoir en pareil cas. Si on veut un exemple concret, il y a le répugnant Doctolib. Tant qu'on y est, profitons-en pour citer une autre aberration vis-à-vis du secret médical : fournir sur un plateau des informations de santé en utilisant une boite de courriel détenu par un tiers lucratif friand de l'exploitation des données personnelles, comme à tout hasard GMail de Google.

De même, dans un cadre non médical, certaines personnes s'indignent qu'une entité puisse collecter des données personnelles contre leur gré. Mais quand on regarde le comportement, on peut bien souvent constater que les dites personnes se fichent en réalité de leur vie privée, puisqu'elles contribuent bien souvent d'elle-même à leur propre surveillance par les mêmes entités, et ce au-delà du nécessaire ou quand c'est trop dur à individuellement éviter. Pleurnicher qu'un tiers fournisse un moyen de surveiller ou qu'une entité voulant surveiller s'en soit elle-même donnée les moyens, c'est une chose, mais c'est une chose bien maigre à elle-seule. C'est bien de dénoncer et s'organiser collectivement contre, si la surveillance est effectivement inappropriée. Toutefois il faut aussi penser à ne pas fournir d'œil soi-même, à moins de vouloir être clownesque de part l'écart entre les discours et les actes.