Infliger une justice exemplaire pour sévices graves envers un chat ?

Le 11 juillet 2023, est publié un article avec le titre suivant : Nice : L'homme qui a traîné un chat derrière son vélo sera jugé pour sévices graves et actes de cruauté . On peut le retrouver chez 20 minutes et son auteur est Fabien Binacchi. Mais, hormis pour la référence, cela n'a pas d'importance. Passons donc à ce que nous dit l'article.

Le titre nous disait déjà que le chat a été traîné derrière un vélo, c'est sûr que ça n'a pas faire du bien au chat, bien au contraire. En lisant un peu plus, on peut apprendre que les coussinets du chat sont brûlés, ce qui est incontestablement un sévice grave pour le chat. De plus, il a des bandages sur l'entièreté des pattes. Mais, au-delà de ça, il va bien. Il est donc encore en vie, n'est pas sous respirateur, etc.

Faut-il pour autant ne pas s'émouvoir de ce qu'a subi le chat et des séquelles que ça a engendré ? Évidemment, il y a lieu d'avoir de la compassion pour le pauvre chat et d'en vouloir à l'homme qu'il lui a infligé ça. En effet, on reconnait tou·te·s que les chats sont des êtres qui peuvent ressentir la douleur et ont donc un intérêt à l'éviter. Ils ne la ressentent peut-être pas exactement comme nous, mais c'est très clair qu'ils ressentent la douleur et que c'est négatif pour eux, d'une manière analogue à nous, fut-ce pas forcément exactement comme nous. On trouve donc condamnable de faire souffir significativement les chats en l'absence de nécessité, comme on juge qu'il est condamnable de faire souffrir significativement les humains en l'absence de nécessité. En conséquence, on condamne d'avoir traîné le chat derrière un vélo, d'autant plus au vue de ce que ça lui a engendré, même s'il est encore en vie.

La majorité de la population fait subir bien pire que ça en terme de souffrance à des animaux non-humains et non-chats qui eux aussi ressentent la douleur et cherchent en conséquence à l'éviter. Elle va même que jusqu'à en tuer. La douleur étant un mécanisme qui a été produit par l'évolution avec pour finalité la continuation de la vie, il s'en conclue que s'ils ont un intérêt à éviter la douleur, alors ils ont un intérêt à rester en vie. Nous le reconnaissons d'ailleurs les chats.

Or la majorité de la majorité de la population infligent ou fait infliger sciemment souffrances et morts à des animaux non-humains en l'absence de nécessité. En effet, est notamment courante la consommation de viande, de poisson, de lait d'une autre espèce et d'oeuf. Cela vous donne peut-être envie de hurler que c'est là tout à fait différent avec le cas du chat traîné à vélo. Et pour cause : c'est pour vous nourrir, c'est pour tout simplement survivre. Vous condamnez donc à minima la chasse exclusivement pour le loisir, la corrida, la fourrure, et le cuir, n'est-ce pas ? En effet, ça ne relève clairement pas de la nécessité et ça implique de faire souffrir et/ou tuer des animaux non-humains qui peuvent souffrir et veulent vivre une fois mis au monde.

Revenons maintenant à l'hypothèse faite à propos de la nourriture. Il est indéniable que nous avons besoin de manger pour continuer à vivre. Personne ne le nie, à part peut-être des gens très déviants. Est-ce que pour autant cela peut justifier de consommer de la viande, du poisson, des oeufs, ou encore du lait ne provenant pas de sa propre mère ? Si nous pouvons nous nourrir convenablement sans, alors c'est moralement injustifiable, car cela va contre notre intuition commune qu'il est mal d'infliger souffrance et mort à des animaux en l'absence de nécessité. Or le goût et la commodité ne relèvent pas de la nécessité, sinon tout ou à peu près tout est nécessaire et le concept de nécessité ne sert alors à rien.

Du coup, pouvons-nous nourrir convenablement sans le moindre produit animal ? Du point de vue du corps humain, c'est tout à fait possible, à condition toutefois de se complémenter en vitamine B12. Dans une alimentation sans produit animal (ni chair, ni lait venant d'une autre espèce, ni oeuf, etc.), dite végétalienne (ou végane), il faut aussi bien sûr manger varié au sein du règne végétal, donc manger au moins du blé et du riz pour les céréales, manger en quantité des légumineuses (lentilles, haricots secs, pois chiche, soja, etc.), manger des fruits et légumes évidemment, et de préférence manger des oléagineux (que l'on peut définir comme regroupant les graines et les noix).

Mais cela n'est pas suffisant. Il faut pouvoir se le permettre. On n'a pas tou·te·s autant d'argent que les bobos. Or, dans le cadre d'une alimentation végétalienne / végane, n'était-il pas nécessaire de consommer des simili-carnés, du lait végétal, et autres ersatz alimentaires ? Aucunement, ni en terme nutritionnel, ni en terme de goût. Et la complémentation en vitamine B12 évoquée un peu avant ? Indéniablement elle coûte un peu d'argent, mais moins que le surcoût d'aliments animaux, au moins la viande et le poisson, sans compter là qu'ils sont plus fragiles et conduisent bien souvent à s'équiper au moins d'un réfrigérateur et engendrent généralement plus d'emballages (que les végétaux pas ou peu transformés) qui représentent un coût de gestion pour la société et aussi un coût écologique. Si on s'alimente d'une manière marchande ou pour la part de son alimentation qui provient du système monétaire-marchant, se nourrir sans produit animal revient moins cher, à condition du moins d'éviter ou limiter les ersatz (qui sont par ailleurs écologiquement moins souhaitables que les végétaux bruts ou peu transformés).

Il est vrai que ce sera plus compliqué pour les restaurants, les biscuits et les pâtisseries. Mais manger au restaurant ne relève pas de la nécessité, encore moins de pouvoir choisir parmi beaucoup de restaurants. Manger du salé transformé, comme les biscuits et les pâtisseries, peut certes être agréable, mais cela ne relève pas pour autant de la nécessité. Vous noterez par ailleurs que c'est là monétairement moins coûteux de s'en passer. Mais c'est à vous de voir comme vous utilisez votre argent. Pour les restaurants, les indiens, libanais, thaïs, vietnamiens, et autres cuisines dites du monde en Occident, sont généralement de bons candidats.

Mais revenons progressivement enfin au sujet d'origine. Comme nous l'avons maintenant énoncé, il n'est pas nécessaire de consommer le moindre produit animal, à moins que vous ne pouviez avoir de la vitamine B12 ou que tout ou partie de votre nourriture doit provenir directement de la Nature extérieure, et ça peut même facilement être moins cher. Une fois que l'on sait cela, acheter ou faire acheter un produit animal relève de la futilité, même si vous aimez très fort le goût ou que vous êtes un·e passionné·e de mode, donc de la cruauté au vue de ce que ça implique (à savoir exploitation et/ou meurtre si besoin était de le rappeler). En acceptant ça, on peut toujours, par principe, préférer la vie d'un humain à celle d'un animal non-humain, mais il y a très rarement cette situation de conflit.

Puisque la majorité des humains fait ou fait faire infliger sciemment des sévices graves à l'encontre d'animaux non-humains et que cela est fait en l'absence de nécessité pour la majorité des humains (ou en tout cas pour au moins la majorité des humains qui vivent en Europe, en Amérique du Nord, ou au Japon), il y a cruauté très répandue envers des animaux non-humains. On pourrait dire que la majorité des humains, ou du moins la partie qui pourraient faire sans les produits animaux, ne sait pas ou ne condamnerait pas pour le lait et les oeufs, alors qu'ils impliquent tous les deux exploitation et à la fin mort provoquée, ou encore les poissons et les poulpes, mais il est clair que la majorité des humains pouvant faire sans ne refusent pas notamment la chair d'animaux terrestres et le cuir. La cruauté envers les animaux non-humains est donc très répandue dans l'humanité de 2023, y compris et même surtout en Europe, en Amérique du Nord et au Japon, sans même avoir pris là en compte les services pris dans un sens très large (corrida, cirque, zoo et delphinarium, promenade touristique à dos d'animal non-humain ou propulsé par un ou des animaux non-humains, etc.)

Évidemment cela n'excuse en rien ce qu'un homme à Nice a infligé à un chat. Cela ne fait que le relativiser socialement. Pour le chat, ça ne change bien sûr rien. Mais l'article de 20 minutes n'a pas uniquement pour sujet le chat. Il y est aussi question de l'homme qui a fait ça et ce qu'on compte lui faire pour ça. On compte le juger pour son acte, au nom du fait que ça a effectivement engendré sévices graves et que cela relève effectivement d'actes de cruauté puisqu'il y avait absence de nécessité.

Il devrait être condamné pour ça. Il le sera fort probablement. Mais tous les autres humains qui s'adonnent à provoquer des sévices graves à des animaux en l'absence de nécessité font tout autant des actes de cruauté. Oui, consommer, acheter et vendre, de la viande, du poisson, du lait non-végétal, des oeufs, de la fourrure, du cuir, etc., est pour le moment tout à fait légal. Mais cela n'enlève en rien que ça engendre incontestablement des sévices graves pour les animaux non-humains concernés et que l'absence de nécessité en fait des actes de cruauté. Si l'institution judiciaire était juste, elle devrait aussi être en mesure de les condamner.

Contre l'homme qui a oppressé le chat et pour au moins tous les autres chats, des gens demanderait que soit infligé à l'oppresseur [une] justice exemplaire. Pourtant il n'a fait que mutiler gravement le chat. Le chat est encore bien vivant. La majorité des gens, ou au moins la majorité des gens vivant en Europe, au Japon ou en Amérique du Nord, font ou font faire pire à des animaux non-humains et le font de loin le plus souvent avec une grande régularité. De fait, ce sont des fanatiques de la violence, de dangereux extrémistes. Du point de vue moral, leurs actes réguliers de consommation légale et non-nécessaires méritent bien plus une justice exemplaire.

Mais les chats et les chiens ont le privilège absurde du point de vue moral d'être pris en considération au-delà des mots. Il ne peut en être dit de même pour notamment les lapins, les poulets et les poules, les canards, les cochons, les veaux, les vaches et les boeufs, mais aussi les poissons et les poulpes. Pourtant eux aussi peuvent souffrir et aspirent à vivre une fois mis au monde.

Parce que nous leur devons le droit négatif à ne pas être opprimé en l'absence de nécessité, nous devons commencer par les respecter. Pour ce faire, nous devons adopter, si ce n'est pas déjà fait, une façon de vivre qui cherche à exclure, autant que faire se peut, toute forme d'exploitation et de cruauté envers les animaux, que ce soit pour se nourrir, s'habiller, ou pour tout autre but. Cela a un nom simple, vous en avez probablement déjà entendu parler, il s'agit du véganisme. Dans la mesure de votre énergie, de vos moyens matériels, du temps que vous pourriez y allouer, etc., une fois la transition faite ou même pendant, vous devriez envisager d'également militer pour, afin que nos vies humaines conduisent le moins possible à infliger sciemment des souffrances et la mort à des êtres qui ont intérêt à éviter ça.

Ressources sur le véganisme

Théorie

  1. Le véganisme sans les droits des animaux (Gary Francione et Anna Charlton, vegan.fr, 2015)
  2. Sentience (Gary Francione, fr.abolitionistapproach.com, juillet 2012)
  3. Petit traité de véganisme (Gary Francione et Anna Charlton, éditions L'Âge d'Homme, 2015)
  4. Introduction aux droits des animaux (Gary Francione, éditions L'Âge d'Homme, 2015)

Pratique

  1. www.vivelab12.fr (site web dédié à cette précieuse vitamine à ne surtout pas négligier)
  2. jemangevegetal.fr (site web synthétique et sérieux sur la nutrition végétalienne)
  3. HowDoIGoVegan.com (site web en anglais pour aider à devenir végan·e)