Animalisme : quel est le problème ?

Via l'ordinato-plateforme libre et décentralisée Mastodon, techniquement basée sur le protocole ActivityPub, le 24 juillet 2024, Florence Dellerie écrit Ce qui a changé depuis la dernière enquête de L214 dans ce même abattoir Bigard : l'installation de caméras à l'extérieur des bâtiments. Les filières de l'exploitation animale nuisent gravement aux non-humains et contribuent à une dissimulation généralisée du problème.

Il est question d'un abattoir, ce qui est caché n'est donc pas qu'il tue des animaux non-humains, puisque c'est le principe même d'un abattoir et qu'il est limpide que ça l'est, il ne peut donc être question que de la manière dont ils sont tués. D'ailleurs, L214 déplore de graves défaillances lors de l'abattage des animaux .

Le problème ne serait pas l'abattage en lui-même, mais il serait en son sein. Le cadre ne serait pas le problème, ce serait ce qui est fait à l'intérieur, comment c'est fait à l'intérieur. Ce n'est pas exprimé tel quel, mais il transparait que la mise à mort devrait être faite avec respect ça devrait être fait en prenant en compte leur bien-être.

Au contraire pour nous, le problème, ce que l'on considère comme le problème, ça n'est absolument pas que la manière de tuer soit dissimulée : les animaux non-humains sont considérés comme des moyens, des objets et marchandises, donc les tuer ne serait pas un problème, alors que pour nous c'est un problème, qui n'a rien de secret, qui n'a pas besoin d'être révélé. C'est plutôt les animalistes et groupes animalistes s'inscrivant dans le bien-êtrisme (aussi dit welfarisme par anglicisme) qui nuisent gravement aux non-humains et contribuent à une dissimulation généralisée du problème , car c'est l'usage des animaux non-humains en l'absence de nécessité impérieuse qui est le problème et non la manière de les utiliser comme le mettent en avant les bien-êtristes / (néo-)welfaristes.

En effet, contrairement par exemple à la lutte contre le capitalisme, la majorité des personnes en Occident peut assez facilement faire sans l'exploitation et la mise à mort des animaux non-humains, en tout cas dans une grande mesure. Par exemple, sur le plan alimentaire, qui est de loin le plus important en terme de nombre d'animaux non-humains, le végétalisme coûte financièrement moins cher que l'omnivorisme et le végétarisme, y compris avec la nécessaire supplémentation en vitamine B12, et étant entendu que les ersatz divers (de cadavre, de liquide pour bébé, etc.) ne sont aucunement nécessaires. En revanche, il y a incontestablement un coût en énergie et en temps pour faire la transition dans une société où est monnaie courante l'exploitation et le meurtre des animaux non-humains, mais on le paye qu'une fois et il est énormément moindre que le coût pour les animaux non-humains qu'on exploite et tue, donc il est à fortiori de même pour les coûts du quotidien dûs à un environnement social qui peut s'avérer plus ou moins hostile.

Il n'y a donc pas à combattre dans le cadre, puisqu'à peu près chacun et chacune peut déjà individuellement s'en passer. C'est d'autant plus vrai que cela le légitime, puisque c'est un cadre dont on peut s'extraire et que c'est relativement connu. Ce qui est à combattre, et on peut le faire sans changement social structurel, c'est le cadre lui-même, c'est-à-dire l'exploitation et le meurtre des animaux non-humains en l'absence de nécessité impérieuse. En effet, individuellement on peut déjà adopter une façon de vivre qui cherche à exclure, autant que faire se peut, toute forme d'exploitation et de cruauté envers les animaux, que ce soit pour se nourrir, s'habiller, se divertir, ou pour tout autre but. Et ça n'est ni plus ni moins que la définition classique du véganisme. Mais aussi en faire un objectif politique, donc social, et par conséquent militer pour le faire reconnaitre comme un impératif moral, ce qui implique pour les gens de devenir véganistes, à la fois au sens de la façon de vivre et de la nécessité de faire en sorte que cette attitude de non-violence vis-à-vis des animaux non-humains soit à terme généralisée et cela supposera notamment d'arriver à finir par imposer que les animaux non-humains ne puissent plus être des propriétés.

Enfin, s'il en était besoin, signalons la base de ça. De la même manière que les féministes ne sont pas féministes parce qu'illes aiment les femmes et que les anti-racistes ne sont pas anti-racistes parce qu'illes aiment les noir·e·s et les arabes ou encore les asiatiques, les véganistes ne sont pas véganistes parce qu'illes aiment les animaux. Si les véganistes sont des véganistes, c'est parce que les animaux, ou au moins une bonne partie d'entre eux, peuvent souffrir et ont donc un intérêt à ne pas souffrir, mais aussi un intérêt à ne pas être tué contre leur gré, car la souffrance est un moyen pour la survie. En au moins ça, les animaux non-humains dans ce cas, que l'on dit être sentients, ne sont pas différent des êtres humains, d'où le commun intérêt à n'être victime d'aucune forme d'exploitation et de cruauté. Et cela fait logiquement que les sentientistes ne peuvent se borner aux animaux non-humains, mais illes peuvent toutefois (ou pas) choisir de privilégier l'allocation de leur énergie militante sur les animaux non-humains sentients (ou zoonimaux) et un véganisme restreint (que l'on peut appeler zoovéganisme), ce de par le fait que l'intensité moyenne de l'exploitation des animaux non-humains et la quantité d'individus touchés par elle sont toutes deux bien supérieures aux exploitations entre humains (capitalisme, patriarcat, racisme, etc.).

En rapport avec le sujet

Lectures sur le bien-êtrisme / welfarisme

  1. Comprendre la position welfariste (Gary Francione, blog, 2013)
  2. Les quatre problèmes du mouvement en faveur du bien-être animal : en résumé (Gary Francione, blog, 2007)
  3. À propos du militantisme de type « sang et tripes » (Gary Francione, blog, 2009)
  4. Rain without Thunder: The Ideology of the Animal Rights Movement (Gary Francione, Temple University Press, 1996)

Lectures sur pourquoi le véganisme

  1. Sentience (Gary Francione, blog, 2012)
  2. Petit traité de véganisme (Gary Francione et Anna Charlton, éditions L'Âge d'Homme, 2015)
  3. Pourquoi le véganisme doit être la base (Gary Francione, blog, 2011)
  4. Introduction aux droits des animaux (Gary Francione, éditions L'Âge d'Homme, 2015)

Références sur le véganisme individuel

  1. www.vivelab12.fr (site web dédié à cette précieuse vitamine à ne surtout pas négligier)
  2. jemangevegetal.fr (site web synthétique et sérieux sur la nutrition végétalienne)
  3. HowDoIGoVegan.com (site web en anglais pour aider à devenir végan·e)

Réflexions sur la manière de militer