Réunion et Mayotte : espècisme et colonialisme

Le 15 octobre 2024, est publié l'article Réunion et Mayotte : une décennie de torture animale dans les squats et ravines par Valérie Croisille dans le numéro 17 de Savoir Animal. Le 23 novembre 2024, elle ré-itère sur le même site web : Pourquoi ce silence assourdissant ? : la condition animale à la Réunion, entre actes de torture et euthanasies en masse – Entretien avec Cécile Squarzoni, présidente d'APEBA . On a cité ce second article, mais on ne s'appuiera que sur le premier, puisqu'il est suffisant et qu'ils ont le même angle.

Voila le chapô, le paragraphe d'introduction, du premier article : Paradis pour les touristes côté face, enfer pour les animaux côté pile… L'État français souhaite-t-il vraiment qu'au cliché idyllique de ses iles de l'Océan Indien […] se substitue une réalité monstrueuse : celle des actes de barbarie commis sur des chiots ? Ambiance. Car dans là, tout est déjà replié.

Par la suite, il est question de constat glaçant, puis de sévices commis en série et en bande organisée sur des animaux [non-humains], en particulier des chiots . Ça enchaine avec une emphase par du gras, donc information importante : au moins sept chiens avaient été pendus, et sans emphase il est précisé en pleine rue. Horreur à la Réunion et à Mayotte…

D'ailleurs, la violence à l'encontre des animaux s'est banalisée . Il y aurait lieu de parler d'une litanie infernale : la liste de ces monstruosités qui ont lieu sur l'ile de Mayotte, de l'ébouillantement à la décapitation en passant par le viol . C'est horrible, et ça se passe… à Mayotte.

Mais ce n'est pas isolé, ça se passe aussi ailleurs… sur une autre ile : Les atrocités commises par ces tortionnaires en série gangrènent aussi l'ile voisine de la Réunion. (avec emphase par de l'italique sur ces tortionnaires en série). Problème au problème : Zinfos974 précise que les services de l'État sont alertés, mais ne donnent pas suite .

Puis continue la description de l'épouvante : un sac contenant des ossements d'animaux, etc. Et pour ne rien arranger, les individus qui font ça s'organisent pour préméditer leurs crimes. Conclusion temporaire : Le film d'horreur dont ils reproduisent le scénario infernal en un cycle sans fin peut alors commencer.

Et ça en cajoute encore un peu plus : les animaux capturés endurent les sévices les plus abominables . C'est une surenchère de l'horreur. D'ailleurs, les jeunes bourreaux rivalisent d'ingéniosité perverse dans leurs jeux meurtriers, inventant un système diaboliquement élaboré pour écraser les chiots. Tout cela relève d'actes de barbarie.

Mais, on y revient, ce n'est toujours pas pris au sérieux par l'État français. Pourtant, infliger des actes de barbarie jusqu'à ce que mort s'ensuive à un animal à près de 10000 km de la métropole n'est pas moins grave qu'en infliger sur le territoire métropolitain Conclusion finale : Quand l'État français prendra-t-il la mesure de l'ampleur de la torture animale dans ses départements de l'Océan Indien ?

Voila, le décor est planté. Faisons maintenant une importante précision : nous trouvons que ce qui est décrit est effectivement horrible, ça relève effectivement de la barbarie. Nous ne sommes donc pas contre ce constat. Mais il y a quelque chose qui nous pose énormément problème : la manière dont c'est raconté.

En effet, à lire le premier article comme le second, il est fait comme s'il y avait d'un côté la Réunion et Mayotte, où sévissait l'horreur en toute impunité, et de l'autre la métropôle, règne de la civilisation ou pas loin. Ce qui est vrai, mais seulement d'un certain point de vue, qui n'est jamais exprimé explicitement et que nous rejetons fermement.

Le texte de l'article prétend parler des animaux. Mais en fait, il est plutôt question des chiens et des chats, comme l'indique timidement au-dessus du titre l'étiquette animaux domestiques qui est là un synonyme pour animaux de compagine. Mais ce cadrage est toujours implicite dans l'article et il est du coup absolument pas défendue.

Pourtant, du point de vue des animaux, souffrir c'est souffrir, se faire tuer c'est perdre la vie. Le cadre anthropo-institutionnel dans lequel ça se déroule, ça ne change rien à la violence que subissent les animaux non-humains. Pourquoi donc se limiter à ce que subissent les animaux de compagnie ? Pourquoi ne pas étendre à toutes les violences humaines, et non impérieusement nécessaires, envers les animaux non-humains ?

La fourrure, le cuir, les plumes, entre autres, ne sont pas impérieusement nécessaires pour se vêtir et ameubler. Tout le monde, tout le monde le reconnait. Pourtant, ça ne s'obtient pas sans violence envers des animaux non-humains qui peuvent ressentir la douleur et qui est pour eux un moyen de tenter de continuer de vivre et donc ils ont le double intérêt à ne pas souffrir et à ne pas être tués. Mais ces produits sont courants en métropole. Ils sont même légaux, ce qui n'est d'ailleurs pas une excuse vis-à-vis des animaux non-humains, puisque la légalité de l'exploitation et du massacre qu'ils subissent ne change rien à la violiation de leurs intérêts, ça fait juste au mieux qu'il y a des mesurettes pour prétendre qu'ils ont été exploités et tués d'une manière qui serait soi-disant compassionnelle. Exprimé d'une manière crue, ce sont des actes cruels et même des actes de barbarie. Ça, c'est produit et vendu en métropole, alors que tout le monde sait que ça ne relève pas de la nécessité impérieuse.

Mais ce type de produits représente un pouième de la torture d'animaux non-humains en métropole. Le plus gros vient évidemment de l'alimentation. Or on sait que la consommation de chair, de lait animal et d'oeuf, ça n'est pas nécessaire pour être en bonne santé (à condition d'impérativement se complémenter en vitamine B12, qu'on sait faire produire aux micro-organismes sans hôte animal et sans sérum fœtal ou tout autre chose du genre), ce à tous les âges de la vie, y compris pour les femmes enceintes, les nourrissons et les enfants, ainsi que pour les sportifs de haut niveau. Pourtant la consommation d'aliments animaux est très courante en métropole et à peu près personne ne cherche à en consommer la dose minimale non-nulle (même si en réalité, elle est nulle depuis que la vitamine B12 est accessible sans exploitation et mise à mort animales, puisque par exemple la spiruline en contient mais qui n'est pas assimilé par le corps humain).

Si on voulait encore enfoncer le clou, on pourrait parler de la corrida. C'est certes de fait en grande partie interdit, mais toujours pas totalement au nom du fait que dans certains endroits une tradition locale ininterrompue peut être invoquée (code pénal, article 521-1). D'ailleurs, ce qui est décrit par Valérie Croisille pour Savoir Animal, est-ce que ça ne pourrait pas tout autant relever d'une tradition locale ininterrompue comme les courses de taureaux et combats de coqs ? Si oui, est-il vraiment défendable que ce qui est condamné là à la Réunion et Mayotte est pire pour les animaux non-humains que les dites traditions qu'on peut retrouver en métropole ? Et si on voulait faire chier jusqu'au bout (en fait montrer les contradictions, ce qui n'est en général pas agréable pour celleux empêtré·e·s dedans), on pourrait développer sur le cas, certes plus difficile, des expérimentations faites en métropole qui sont parfois faites sur des chiens et qui ne sont au surplus souvent même pour de la recherche médicale, mais on n'a là pas besoin d'aller jusqu'à creuser ce sujet moins facilement consensuel (du moins si on allait jusqu'à remettre en cause l'expérimentation à visée médicale).

Autant l'habillement à base de fourrure, peau, plumes, etc., que l'alimentation qui comprend du produit animal (hors bien sûr lait de sa propre mère), la corrida et malheureusement pas que, ça relève de sévices commis en série et en bande organisée sur des animaux [non-humains] . Et que ça ne soit pas en particulier [sur] des chiots, ça n'y change rien pour les animaux non-humains que les non-végan·e·s font souffrir, tuent et/ou font souffrir. Dans ce prisme, qui ne se borne pas aux animaux auxquels on affecté un rôle de compagnie, il est faux de dire la violence à l'encontre des animaux s'est banalisée , car elle est déjà banale et elle n'a plus la moindre justification depuis des décennies, tandis qu'avant elle n'en avait depuis longtemps déjà pas pour le niveau d'exploitation et de mise à mort.

Il y a donc lieu de parler de monstruosités. On n'inflige pas l'ébouillantement à des chiens et des chats, mais on le fait en métropole à des homards, dont on sait qu'ils peuvent souffrir et ont donc intérêt à ne pas souffrir et donc aussi à ne pas être tués (puisque souffrir est un moyen pour la continuité de la vie). En métropole, chiens et chats n'ont heureusement pas le droit à la décapitation, mais les volailles, les ovins, les bovins, etc., y ont eux droit et pourtant on sait que la vue de la mort leur cause beaucoup de peur et leur capacité à souffrir leur confère un intérêt à ne pas être tués contre leur gré. Mais la métropole ne s'arrête pas là, de l'ébouillantement à la décapitation en passant par le viol  : car oui, le viol d'animaux non-humains y est également monnaire courante, car il serait beaucoup trop long d'attendre que les animaux non-humains utilisent leurs sexes pour faire des petits, donc on prend du sperme et on le fout dans le corps des femelles qui n'ont évidemment rien demandé.

Au vue de la consommation moyenne de produits provenant d'animaux non-humains, même si chacun les obtenait par son propre travail d'exploitation et de mise à mort, il y aurait lieu de dire que ce sont [d]es atrocités commises par [d]es tortionnaires en série . Cependant, ça n'est pas comme ça que ça se passe, seulement une poignée de la population commet directement ces atrocités envers les animaux non-humains, donc il y a sans l'ombre du moindre doute [d]es tortionnaires en série. Néanmoins, les personnes qui paient pour ça et/ou font payer ça, ce sont tout autant [d]es tortionnaires en série, car l'offre continue d'exister parce qu'elle est solvabilisée par une demande solvable.

C'est film d'horreur qui peut sembler être un cycle sans fin avec les bourreaux rivalisent d'ingéniosité perverse et ayant invent[é] un système diaboliquement élaboré. Ce qui peut amener à la question : Quand l'État français prendra-t-il la mesure de l'ampleur de la torture animale dans ses départements de l'Océan Indien [et en métropole] ?

En effet, il est erroné de se focaliser sur ce qui se passe hors métropole et d'exhiber ça comme si la situation était différente en métropole pour les animaux non-humains. L'espèce n'est pas importante, c'est la capacité à souffrir, qu'on retrouve bien au-delà des humains, des chiens et des chats. Que des sévices soient légaux ou non, ça ne change rien pour celleux qui les subissent (à part s'illes les jugent méritées, mais on parle là d'innocent·e·s). Il en est de même s'il y a éventuellement une différence de jugement moral d'une zone géographique à une autre : les victimes sont tout autant des victimes.

Au final, on a donc eu là un exemple chimiquement pur de discrimination en fonction de l'espèce, dit espècisme, et de jugement très sélectivement civilisateur sur des colonies de fait (comme l'a d'ailleurs dernièrement démontré, si tant est qu'il en était besoin, le traitement par l'État de France, suite au cyclone Chido, de Mayotte dévastée et sa population laissée en péril), ce qui relève (que ça plaise ou non) du colonialisme. Honte à Valérie Croisille et Savoir Animal qui l'a publié, ainsi qu'à toutes les personnes (individuelles et morales) qui les soutiennent ou les soutiendraient sur ça (= les 2 arties qu'on a cité au début) de par le différentialisme espèciste et colonial de fait opéré et non de par les actes décrits.

Tous les animaux sentients doivent être considérés, qu'ils soient humains (comme les palestinien·ne·s, dont il ne faut pas avoir peur de dire qu'illes sont génocidé·e·s par l'État d'Israël) ou pas (comme les volailles, les ovins, les bovins, les poissons, les poulpes, ainsi que les crevettes), sans espècisme, sans racisme et sans sexisme. Pour un animalisme universaliste ! Et ça signifie l'application individuelle du véganisme avec l'animal compris d'une manière darwinienne, ainsi que sa promotion sociale et la lutte pour l'imposer socialement (comme le droit du travail, comme le droit de vote des femmes, comme la fin de la ségrégation raciale formelle, etc. ; sans prétendre que les exemples mentionnés là seraient des points d'équilibre acceptables, car nous considérons que ce sont des progrès, certes significatifs mais insuffisants).

En rapport avec le sujet

Références théoriques sur le véganisme

  1. Sentience (Gary Francione, blog, 2012)
  2. Petit traité de véganisme (Gary Francione et Anna Charlton, éditions L'Âge d'Homme, 2015)
  3. Pourquoi le véganisme doit être la base (Gary Francione, blog, 2011)
  4. Introduction aux droits des animaux (Gary Francione, éditions L'Âge d'Homme, 2015)
  5. Courtes thèses pour une organisation à dominante francionienne (Nicola Spanti, site web personnel)
  6. Advocate for Animals! An Abolitionist Vegan Handbook (Gary Francione et Anna Charlton, Exempla Press, 2017)

Références pratiques sur le véganisme

  1. www.vivelab12.fr (site web dédié à cette précieuse vitamine à ne surtout pas négligier)
  2. jemangevegetal.fr (site web synthétique et sérieux sur la nutrition végétalienne)
  3. HowDoIGoVegan.com (site web en anglais pour aider à devenir végan·e)