Decathlon et les poissons : une énième campagne creuse

Le 2 janvier 2024, est publié Petits poissons vivants vendus comme appâts : Decathlon dans le viseur d'associations de protection animale par Coppélia Piccolo pour le journal de pseudo-gauche (et donc en réalité de droite) Libération. Parmi les associations en question, il y a Paris Animaux Zoopolis. Elle a bien sûr lancé sa pétition : pour demander à Decathlon de cesser de vendre des poissons . C'est dans ce contexte qu'on a le droit aux mots de sa présidente, Amandine Sanvisens, dans l'article mentionné du journal Libération. Évidement, sur les ordinato-plateformes dites sociales, c'est relayé par des gens outrés, comme Florence Dellerie (qui est néo-welfariste).

Voila pour le décor, passons au fond. C'est simple : il est demandé à Decathlon d'arrêter de vendre des poissons. Et à vous de signer bien sûr ! Plus précisément, voila l'engagement demandé : En signant cette pétition, je demande aux dirigeant·e·s de Decathlon de cesser de vendre des poissons.

Mais au fait, pourquoi Decathlon devrait faire ça ? Parce que les poissons ressentent la douleur et qu'ils sont vendus par Decathlon pour être torturés. C'est tout à fait vrai. C'est donc horrible.

Mais vous devriez déjà à minima savoir qu'on n'obtient pas en masse du cadavre (dit viande) et de la peau au sens large (cuir, fourrure, etc.) d'animaux non-humains terrestres sans procéder à une mise à mort. Vous devriez savoir que vous pouvez vous vêtir sans ça. Vous devriez même savoir que vous pouvez vivre en bonne santé sans cadavre provenant d'animaux terrestres. En conséquence, haussez le ton contre la cruauté infligée aux poissons pour faire de la pêche implique à minima également de ne pas contribuer à la production non-nécessaire de cadavres et de peaux pour notre consommation. Le cas échéant, cela revient à être contre la cruauté infligée aux animaux non-humains mais uniquement quand ça ne nous dérange pas.

Problème 1 : la pétition de Paris Animaux Zoopolis n'exhorte qu'à signer, pas à se mettre en cohérence avec ce qu'elle invite à condamner quand c'est fait par Decathlon. Problème 2 : la mise en cohérence ne peut être présumée pré-établie, puisqu'une très vaste majorité de la population française (et ce même en excluant les sans-abris et autres nécessiteux·euses) consomme du cadavre (dit viande) et n'a pas de problème non plus avec la consommation de peau en général (peut-être avec la fourrure, mais pas avec le cuir par exemple).

Paris Animaux Zoopolis ne fait donc là qu'exhorter les gens à dire à Decathlon d'arrêter d'être cruel envers des animaux non-humains sans pousser ici les gens à se mettre en cohérence avec leur potentiel prétendu refus de la cruauté envers les animaux non-humains qui peuvent ressentir la douleur et cherchent à éviter la mort. Et on a fait là ce constat avec une conception naïvement étroite de ce qui relèverait de la cruauté envers ce type d'animaux là.

En effet, le liquide pour bébé, dit lait (et là en excluant les ersatz végétaux), s'obtient d'une manière cruelle. Il faut qu'une femelle ait un enfant. Puis, pour d'évidentes raisons d'efficacité, il faut éviter que le gosse boive le lait, qui lui est pourtant légitimement destiné. À cette fin, la mère et son petit sont séparés. Enfin, encore une fois par recherche d'efficacité, ce petit monde est tué avant d'être des boulets (d'un point de vue économique).

On a là dédié un paragraphe pour le lait d'autres espèces animales, qui continuent d'être massivement consommé et ce malgré de très bon ersatz pour les formes liquides, mais c'est loin d'être le seul produit qui est parfaitement dispensable et qui provoque exploitation et/ou meurtre d'animaux non-humains d'une manière tout à fait volontaire et donc évitable. Il y a bien sûr à également mentionner les oeufs. Et aux produits, il faudrait rajouter les services, comme les zoos et delphinariums.

En réalité, éviter le cadavre des terrestres et leur peau (que ce soit du cuir, de la fourrure, ou autre), soit un pesco-végétarisme à vocation éthique, n'est aucunement suffisant, du moins si on prend au sérieux les intérêts des animaux non-humains qui peuvent souffrir et aspirent à vivre une fois mis au monde. La seule solution satisfaisante à l'échelle de sa propre consommation est, vous devez l'avoir probablement senti venir, le véganisme, ou le zoovéganisme si on veut explicitement exclure les humains de la problématique (ce que nous faisons dans le présent article).

L'association Paris Animaux Zoopolis ne peut ignorer l'existence du (zoo)véganisme. Elle pourrait donc, en fait elle devrait donc, le promouvoir, puisqu'elle s'insurge, et à juste titre, des sévices commis aux poissons vendus par Decathlon. Pourtant, à notre connaissance, mais on espère se tromper, l'association Paris Animaux Zoopolis ne promeut pas le (zoo)véganisme. Abstraitement, idéellement, ça pourrait paraitre surprenant. Mais c'est matériellement tout à fait logique. En effet, quoi qu'exhibant des problèmes réels que nous infligeons aux animaux non-humains et que nous pourrions ne pas commettre, son mode d'action, des campagnes ciblées permettant de la posture de citoyen·ne·s qui se veulent engagé·e·s, impliquent d'aller au-delà des seul·e·s véganistes, dont la proportion est bien trop restreinte. Mais du coup, pour avoir ses signatures et son soutien sur des réseaux dits sociaux, l'association Paris Animaux Zoopolis provoquent des rassemblements composés essentiellement d'exploiteur·euse·s et qu'elle n'ose pas bousculer.

Il s'ensuit que ces appels aux dirigeant·e·s et autres responsables hiérarchiques sont au final vains. Du moins, ça l'est vis-à-vis des animaux non-humains, puisque ça n'amène pas ou très peu et probablement souvent d'une manière confuse à ce que les gens arrêtent de se comporter en exploiteur·euse·s quand illes peuvent faire autrement. En revanche, ça fait, c'est certain, des signatures, du cirque médiatique, des dons et peut-être aussi des subventions.

Mais Decathlon, comme bien d'autres, a un commerce à faire tourner. Vendre du poisson est rentable. Interdire spécifiquement ça serait fort étrange, puisque notoirement incohérent. Et Paris Animaux Zoopolis et les autres groupements qui érigent à gogo des campagnes ciblés (comme L214) n'incitent pas ou fort peu à remettre en cause le problème général au profit d'une multitude de ses réalisations concrètes. Par conséquent, aucun front effrayant ne prend forme, Decathlon et les autres continuent donc leurs affaires. Le petit cirque des réseaux dits sociaux et médiatique passera et la vaste majorité des gens ne s'engage pas au-delà de la posture, donc tout va bien pour les petites affaires.

Et d'ailleurs cela vaut aussi pour les associations dites de défense des animaux non-humains qui segmentent à souhait le problème, ce qui se trouve être fort utile pour amasser les signatures creuses et les dons pour se donner bonne conscience. Le changement de fond est au mieux délaissé au second plan au profit des vagues dans l'actualité qui font bonne impression, aux yeux d'un certain public du moins.

En ce qui nous concerne, plutôt que quémander à des dirigeant·e·s ou autres, on invite d'abord à faire ce que vous pouvez à l'échelle individuelle, et donc à être zoovégan·e en ce qui concerne les animaux non-humains. Cela ne suffit pas pour autant, il faut aussi agir collectivement. Mais la moindre des choses est de commencer, dans la mesure du possible, à être comme on veut que les autres soient. Ensuite, ou pendant sa propre transition, il faut indéniablement passer au changement collectif, qui passe parfois par la lutte collective et donc le rapport de force. Mais il est ironique de prendre une posture collective quand on arme le rapport de force dans le mauvais sens vis-à-vis de la posture, du moins quand il nous est significativement possible de faire autrement.

Et pour en revenir aux animaux non-humains, clairement vous pouvez devenir zoovéganiste. Après, ou pendant votre zoovéganisation, il sera logique de vous battre contre la cruauté envers les animaux non-humains et donc pour un monde zoovégan. Cela en passera par la conviction et en affrontant ses adversaires, ce qui diffère de la posture creuse.

En rapport avec le sujet

Théorie

  1. Sentience (Gary Francione, fr.abolitionistapproach.com, juillet 2012)
  2. Pourquoi le véganisme doit être la base (Gary Francione, fr.abolitionistapproach.com, 2011)
  3. Petit traité de véganisme (Gary Francione et Anna Charlton, éditions L'Âge d'Homme, 2015)
  4. Introduction aux droits des animaux (Gary Francione, éditions L'Âge d'Homme, 2015)

Pratique

  1. www.vivelab12.fr (site web dédié à cette précieuse vitamine à ne surtout pas négligier)
  2. jemangevegetal.fr (site web synthétique et sérieux sur la nutrition végétalienne)
  3. HowDoIGoVegan.com (site web en anglais pour aider à devenir végan·e)