Florence Dellerie néo-welfariste
Le 11 juillet 2023, est publié un article
par Delphine Cordaz
et Pascal Le Douarin
pour Réussir.
Son titre est le suivant :
L'abattoir Galliance d'Ancenis
au top de la protection animale
.
En image de présentation,
on y voit des zoonimaux morts.
Le lendemain, chez Twitter qui va devenir X
et est une ordinato-plateforme privatrice et centralisée,
Florence Dellerie va ironiser à ce propos.
Elle comme avec
C'est vrai que sur la photo
les oiseaux ont vraiment l'air au top !
Elle complète ensuite par
Cette communication va bien compléter
la longue liste de supercheries,
notamment rhétoriques et communicationnelles,
dont je parle dans ma conférence
Autodéfense intellectuelle et anti-spécisme
,
donnée notamment cette année
aux Rencontres de l'Eprit Critique de Toulouse.
Mais Florence Dellerie ne semble pas avoir relevé
que l'article comprend le passage suivant :
La coopérative a sollicité des ONG Welfaristes
comme l'OABA [Œuvre d'Assistance aux Bêtes d'Abattoirs],
pour valider des technologies
répondant au bien-être animal
et anticiper des référentiels de bien-être animal,
notamment celui de
l'European Chicken Commitment.
Parmi les associations bien-êtristes / welfaristes
qui ont signé
l'European Chicken Commitment,
il y a entre autres
L214
qui ne s'en cache d'ailleurs pas.
Or Florence Dellerie a précédemment salué L214…
Le 13 octobre 2022,
Brigitte Gothière,
co-fondatrice et alors membre encore active
de l'association L214,
se félicite (à raison sur le principe)
qu'un amendement anti-lanceur·euse·s d'alerte
ait été rejeté par l'Assemblée Nationale
de la 5ème république bourgeoise de France.
Pour celleux qui voudraient la référence,
elle a fait cela sur l'ordinato-plateforme capitaliste géante Twitter.
Le lendemain, au même endroit, Florence Dellerie y réagit par
Une excellente nouvelle pour L214,
pour le grand public
mieux informé grâce à vos enquêtes ;
et pour les animaux [non-humains],
exploités et abattus
à l'abri des regards.
Merci pour votre travail d'utilité publique.
Il va falloir rester en vigilance.
C'est un commentaire nettement positif. Pourtant les enquêtes ne révèlent évidemment pas que les animaux non-humains sont exploités et tués, ça tout le monde le sait à part de jeunes enfants, mais elles mettent en lumière des pratiques illégales vis-à-vis du droit et/ou jugées au-delà du raisonnable au sein de l'usage des animaux non-humains. Elles inclinent donc à faire penser que le problème ne serait pas l'usage des animaux non-humains, mais que ce serait seulement certaines pratiques au sein de l'usage. À travers elles, les gens ne sont de fait pas invités à penser qu'exploiter et tuer des êtres sentients est un problème si c'est fait en l'absence de nécessité (et clairement ni le goût ni la mode ne relèvent par exemple de la nécessité) et ce peu importe les modalités concrètes de l'exploitation et de la mise à mort, et même que c'est en fait tout à fait acceptable puisque ce qui est dénoncé est au sein de l'usage des animaux non-humains. Ces enquêtes contribuent donc à la perpétuation de l'idée qu'il serait normal d'exploiter et tuer des animaux non-humains en l'absence de nécessité si c'est fait dans des conditions qui seraient bonnes au lieu de combattre ce paradigme. Cela est fait d'une manière d'autant plus efficace que les gens assimilent couramment L214 comme une organisation dure au sein en France du zoonimalisme organisé et regroupant (il est vrai) des véganistes.
Ce soutien clair de la part de Florence Dellerie
est informatif sur son positionnement.
Ça l'est d'autant plus qu'elle a connaissance
du théoricien et militant
Gary Francione
(à ce propos, lire
Projet Méduses,
Il faut résister à la tentation du bougisme
,
revue L'Amorce,
27 octobre 2019).
En effet, celui-ci a vivement critiqué ça.
Sur son blogue, ou plutôt sa traduction française,
on peut notamment lire
Les quatre problèmes
du mouvement en faveur du bien-être animal :
en résumé
(2 mai 2007)
et
À propos du militantisme de type
(29 juillet 2009).
Ces 2 articles valent pour ce qu'il nomme
néo-welfarisme,
c'est-à-dire la mise en avant de mesures dites de bien-être
et la volonté à plus long terme
de l'instauration d'un monde végan,
ce qui correspond tout à fait au positionnement de L214.
Si son blogue a diparu quand vous lirez ces lignes,
que vous n'avez pas d'accès à Internet,
que vous préférez la lecture sur papier
et/ou que vous souhaitez creuser le sujet,
vous pourriez alors lire en anglais son livre
Rain without Thunder:
The Ideology of the Animal Rights Movement
(Temple University Press,
1996).
Florence Dellerie est donc probablement au courant
de la critique de la stratégie bien-êtriste / welfariste
par Gary Francione.
Mais même si elle ne l'est pas,
après tout les 2 livres de Francione
traduits en français
(éditions L'Âge d'Homme, 2015 :
avec Anna Charlton,
Petit traité de véganisme
;
Introduction aux droits des animaux
)
ne traitent pas ce sujet,
elle tombe néanmoins sous le coup de sa critique.
sang et tripes
Son inclinaison néo-welfariste
dans la catégorisation francionienne
était par ailleurs devinable
de par sa position dans revue L'Amorce.
En effet, elle en est co-fondatrice
et à priori toujours membre active.
Or on peut par exemple y trouvé des propos élogieux sur
Michael Huemer.
Ce dernier est pourtant très clairement espèciste,
tandis que la revue se présente contre le spécisme
.
L'Amorce ne s'embarrasse même pas de sélectionner
des morceaux de son oeuvre qui n'auraient pas se problème
ou d'en faire une vive critique.
Bien au contraire, elle a à au moins 2 reprises
relayé élogieusement son espècisme !
Cela n'a à priori
pas engendré de réaction de Florence Dellerie,
elle semble donc ne pas avoir
particulièrement de problème avec ça.
Et au sein de la revue L'Amorce,
le cas de Michael Huemer
n'est qu'un exemple particulièrement frappant
d'espècisme,
c'est loin d'être une exception,
mais au moins est-ce moins éclatant en général.
Il y a donc pour le moins de quoi penser
que Florence Dellerie est néo-welfariste
dans la catégorisation de Gary Francione,
qu'elle trouve ou non adéquat
cette catégorie
et qu'on lui applique.
C'est descriptif,
mais c'est aussi pour le moins pas un compliment.
Néanmoins cela n'enlève pas
qu'elle fait du travail de qualité
vis-à-vis de l'animalisme.
On peut critiquer son penchant néo-welfariste
et en même temps saluer son travail et son action
qui n'en sont pas teintés.
D'ailleurs, on peut en dire de même de L214,
dont le site web vegan-pratique.fr
est plutôt très bien.
Toutefois, si l'on juge positivement
une chose en tant que telle
et que cette chose fait de fait
la publicité de sa personne autrice (individuelle ou morale)
que l'on juge elle
avec un regard moins bienveillant ou hostile,
cela déteint sur la chose
qui peut être vectrice de promotion
de sa personne autrice
et on peut donc malheureusement
en venir à ne pas recommander la dite chose.
Enfin, vous souvenez-vous
de l'article mentionné au début
qui parlait d'un abattoir
au top de la protection animale
?
Pour celleux qui seraient intéressé·e·s
par une critique non de l'article
mais des associations (dont L214)
qui concourent à légitimer ce genre de titre
de par leur stratégie (néo-)welfariste,
sachez que j'ai pondu un article à ce propos :
L'abattoir Galliance d'Ancenis
et les associations welfaristes
.