Qu'est-ce que le syndicalisme léniniste ?

Les grandes bases fondamentales

C'est quoi le syndicalisme ?

Le syndicalisme est une forme d'organisation qui regroupe sur la base d'intérêts communs et ce dans potentiellement tous les aspects de la vie. Le but est de défendre les dits intérêts et de les amener plus loin. Et quoi de mieux pour ça que d'être exclusivement entre personnes ayant les mêmes ? Ça ne peut donc être en vue de finalités directement universelles (exception : le syndicalisme jaune), au contraire de ce qu'on pourrait appeler le "citoyennisme". Du coup, ça implique la reconnaissance et la participation à une lutte politique pour triompher d'autres et ce potentiellement jusqu'à faire advenir un régime politique en faveur des intérêts communs de la base de recrutement, et, au moins dans un premier temps, en défaveur des autres. Moins abstraitement, le syndicalisme peut être prolétarien, patronal, policier, ou autre.

C'est quoi le léninisme ?

Le léninisme désigne le système d'idées et de pratiques du russe Lénine et de ses continuateur·e·s (dont Trotsky), qui a pour base idéologique une certaine lecture marxiste et qui a jailli au monde avec la révolution d'Octobre 1917. Ça vise à la révolution prolétarienne via l'État grâce à un parti restreint à prétention avant-gardisme. Il ne s'agit pas d'une posture pour se présenter comme radical·e, mais d'une organisation et une action vis-à-vis des masses, qui auraient besoin de révolutionnaires professionnel·le·s, donc formé·e·s, mais aussi organisé·e·s et discipliné·e·s.

Le syndicalisme léniniste

Le léninisme ne vise aucunement à produire des organisations syndicales. Il vise les masses, donc à s'immiscer dans ses organisations déjà constituées, contrairement aux gauchistes. Contrairement au syndicalisme révolutionnaire, qui a eu sa gloire au début du 20ème siècle en France dans la CGT (Confédération Générale du Travail) à l'anarcho-syndicalisme, immortalisé avec la CNT espagnole et la révolution de 1936-1939, mais aussi aux IWW (Industrial Workers of The World) et aux conseillistes (elleux aussi marxistes), le léninisme pense incapable le prolétariat de mener la Révolution, tout au plus peut-il avoir de lui-même une pensée trade-unioniste, c'est-à-dire seulement réformiste. C'est donc au parti intellectuel de mettre le coup fatal à la société bourgeoise, en s'appuyant sur les masses, quitte à les manipuler discrètement à travers le noyautage.

La basse besogne syndicale

Le prolétariat n'aura pas spontanément les lumières du marxisme-léninisme et une grande part ne l'aura jamais. Mais il aura aisément conscience que ses intérêts ne coïncident pas totalement avec les capitalistes et qu'il peut donc être pertinent de s'organiser contre eux, dans un but au moins défensif et pourquoi pas aussi réformiste. Et ce travail est tout à fait pertinent, mais insuffisant, d'où le Parti.

Critique des directions tierces

Hors révolution, les partis léninistes étant par nature petits et sans grand enjeu, ils sont donc moins susceptibles de souffrir de problèmes de pouvoir que les organisations de masse, comme celles syndicales. De plus, aimant se présenter comme l'avant-garde, il faut donner les bons et mauvais points aux autres, donc les critiquer, quitte à le faire d'une façon idéaliste, c'est-à-dire sans chercher à comprendre et résoudre si possible la ou les causes de fond. Cela permet de se donner une posture avantageuse, sans pour autant savoir mieux faire.

L'insuffisance entretenue

La solution étant par principe la Révolution, le Parti et ses magnifiques idées, le reste n'est par nature pas adéquat. Il en est ainsi des organisations syndicales, incapables par exemple d'organiser le transport, car l'ayant structurellement saucissonné en sous-branches (rail, voiture, bus, aviation, etc.) ou carrément par entreprises, donc le Parti critique et est la solution de coordination, tandis que le syndicalisme par branche d'activité (aussi dit d'"Industrie", sans que ça ait pour autant à être industriel) n'est pas évoqué et pas poussé par les organisations léninistes. En entretenant l'insuffisance des organisations de classe, le Parti contribue à l'insuffisance du prolétariat pour se libérer par lui-même, donc à la justification de sa pertinence.

L'instrumentalisation des tiers

Le Parti étant petit, mais ayant vocation à tout gérer, il faut contrôler les tiers "amis". Cela permet de profiter de leurs forces, d'y diffuser sa propagande et de tenter d'en recruter les bons éléments. Dans la période révolutionnaire, ils sont fort utiles pour déstabiliser le pouvoir à faire tomber, mais après mieux vaut les museler, comme cela a été fait avec les soviets en Russie.

Les apports théoriques et la méthode

Le marxisme

Le marxisme désigne le système des idées de Karl Marx (1818-1883) et Friedrich Engels (1829-1895), ainsi que de leurs continuateurs et continuatrices. Ce qui nous y intéresse avant tout est d'avoir dégagé des éléments théoriques, tels que la lutte des classes comme moteur de l'Histoire, la construction social-historique de nombre de choses contre l'essentialisme, la rupture métabolique entre l'humain et le reste de la Nature, le fétichisme et l'aliénation, ainsi que plus généralement la non-viabilité de long-terme du capitalisme, de par ses contradictions et les crises qui vont avec. Cela aide à percevoir le monde tel qu'il est, c'est le matérialisme, et ainsi à avoir une vision claire de comment le transformer.

L'idéalisme

L'idéalisme est l'idée selon laquelle ce sont avant tout les idées qui dirigent le monde. Cela s'oppose au matérialisme, pour qui c'est au contraire la matérialité, dans un sens qui peut être large (donc incluant la structuration sociale) et ça l'est dans le marxisme. Réfléchir à la structuration des organisations a donc peu d'importance (si ce n'est en ce qui concerne le Parti), les bonnes idées et la bonne propagande comptent bien plus. Cela implique que la classe sociale est d'importance secondaire, donc que le Parti peut avoir en son sein des bourgeois·es (comme Engels).

L'avant-garde

Le capitalisme ne s'effondrera pas tout seul ou pas tout de suite, donc il faut une élite éclairée par le "socialisme scientifique" (c'est-à-dire le marxisme) pour diffuser l'idée révolutionnaire et la mener à bien. C'est l'avant-garde. Elle s'organise et se forme via le Parti. L'émancipation des travailleurs et travailleuses ne sera pas l'oeuvre d'elleux-mêmes, mais de l'avant-garde s'appuyant sur elle. Ce sera non la dictature du prolétariat, mais celle du Parti au nom du prolétariat et en serrant les fesses, pardon en pensant bien fort, pour que ça ne dérape pas en dictature du Parti sur le prolétariat. La révolution russe d'octobre 1917 à 1921 en a été un tragique exemple (avec un "parti ouvrier dégénéré" selon Trotsky). Mais pour l'avant-garde auto-déclarée, mieux vaut penser les erreurs du passé que s'organiser d'une façon moins propice à cette issue.

Le noyautage

Il est préférable de contrôler de fait les organisations de masse, ce qui aide bien pour profiter de leurs forces. Mais il ne faut pas le faire d'une manière ouverte. En effet, quand les gens se croient aux commandes, ils sont bien plus impliqués. Il faut donc contrôler secrètement, sans le dire à l'extérieur du Parti. Pour ce faire, il faut que les membres du Parti agissent de concert en leurs seins et que des pions du Parti soient à des endroits stratégiques, mais il ne faut pas que ce soit fait d'une manière grossière, il ne faut pas que ce soit perceptible ou pas facilement. C'est le noyautage : le noyau est petit comparé au fruit dans son ensemble, mais il est dur et central.

La prise d'État

En société capitaliste, il y a au moins 2 super-puissances macro-sociales : le Capital et l'État. Puisque n'est pas recherché par les léninistes de construire une puissance tirant sa force du prolétariat (comme le veulent les conseillistes, les syndicalistes révolutionnaires et les anarcho-syndicalistes, mais aussi les municipalistes libertaires et autres communistes libertaires) et qu'il faut avant tout détruire le Capital, il faut s'emparer de l'État. Certes, il est lui-même un problème, mais il sert à tenir ensemble les contradictions, donc une fois celles-ci résolus il s'évanouira (dans la prophétie marxiste, c'est le passage du "socialisme" au "communisme"). Mais avant ça, il faut donc le prendre, et il y a 2 moyens : l'élection bourgeoise et le coup d'État. L'élection bourgeoise a bien peu de probabilité d'aboutir pour un parti révolutionnaire et affronter le Capital en ayant juste le pouvoir d'État n'est aucunement suffisant (comme l'a prouvé la présidence au Chili de Salvador Allende de 1970 à 1973). Les élections bourgeoises sont donc juste vus comme un moyen de propagande pour la lutte en-dehors de l'État.

Le spontanéisme

N'ayant de lui-même aucune base conséquente, le Parti (léniniste) ne peut pas compter principalement sur ses propres forces pour prendre le pouvoir d'État et y rester. Il lui faut donc une explosion spontanée des masses pour fragiliser le pouvoir d'État et le prendre ou le garder si obtenu par élection. Une fois installée, il faut faire face aux assauts bourgeois et donc que l'État soit dûment respecté, les masses internes doivent donc se tenir plutôt sages. Les masses externes, celles des pays encore capitalistes, doivent elles être encouragées, afin de propager la Révolution, ce qui permet de consolider celle nationale et amoindrir le risque de dérive par isolement.

Se mettre ensemble sur quelle base ?

Le métier

Avoir le même métier, c'est avoir une condition commune et des intérêts communs dans le travail. Cerise sur le gâteau, c'est invariant selon le patron. Cependant cela exclut les autres métiers d'un même établissement, c'est-à-dire d'un même lieu de travail, et plus globalement de l'entreprise, si toutefois elle en a plusieurs. Pourtant il serait efficace de s'unir contre un même patron et non d'être chacun dans son petit corporatisme. De plus, ça n'est pas adéquat dans une perspective révolutionnaire par les organisations syndicales, mais cela est propice au Parti pour se donner le beau rôle du au-dessus de la mêlée.

L'établissement

L'établissement, le site de production, a l'avantage énorme qu'il est facile d'y connaitre tout le monde, donc de tisser des liens de camaraderie, dans les pauses, sur le chemin pour y aller, et au sein même du travail collectif, facilitant ainsi grandement l'organisation et la lutte communes. Mais le patron peut faire jouer les établissements existants entre eux, et en créer de nouveaux dans des endroits lui semblant plus prometteurs pour dégager un maximum de profit en paix ou au moins à mondre risque. (là où les conditions sociales sont moins bonnes, là où les travailleurs et travailleuses sont moins organisé·e·s ou plus mou·e·s, là où l'État bourgeois lui propose des aides généreuses, etc.). Et parfois on a même pas d'établissement ou plus théoriquement que pratiquement, de par le métier et/ou l'organisation du travail (impératif de transport, télétravail, "auto-entreprenariat", etc.).

L'entreprise

Le syndicalisme d'entreprise peut sembler parfait, car au plus proche de l'organisation capitaliste de la production. Et quand il y a plusieurs établissements, c'est simple, il suffit de faire un syndicat pour chaque et qu'ils soient fédérés, donc in fine coordonnés. Sauf que de par la concurrence, les capitalistes se font aussi la guerre, transformant un conquis salarial fort chez l'un en problème de compétitivité pouvant mener à sa ruine. De plus, ça divise les forces sur un même bassin de travail. Certes, c'est mauvais pour avoir des syndicats qui se tiennent, ainsi que pour faire la Révolution, mais très bien pour brailler sur l'inadaptation du syndicalisme et présenté le Parti comme la solution pour animer une coordination de lutte de la branche (ou "Industrie").

Le syndicalisme d'Industrie

Le syndicalisme de branche d'activité (pas nécessairement industrielle), dit "d'Industrie", regroupe les travailleurs et travailleuses d'une même branche et ce peu importe le donneur d'ordre ou la donneuse d'ordre, dont son type (privé, publique, ou associatif), et le statut (CDI, intérim, "auto-entreprenariat", etc.). Cela permet de mutualiser le travail et d'unifier les revendications et actions, ayant permis dans le passé la mise en place des conventions collectives (permettant de limiter la concurrence entre nous dans la zone d'application). Et, dans un horizon communiste, nous codéciderons tous et toutes, ce qui nécessite d'avoir une vision et une maitrise globale de "l'Industrie". Toutefois, si le prolétariat peut de lui-même prendre en main la production, le Parti et l'État qu'il voudrait prendre ont-ils encore un intérêt ? Un courant syndical ne serait t'il pas plus approprié qu'un parti d'État présupposant l'insuffisance du prolétariat ?

L'inter-professionnalisme

Au sein d'une même branche, il y a une concurrence exacerbée et des enjeux spécifiques. Mais le combat est aussi plus global. Il faut donc également faire de l'inter-professionnalisme. Pensons par exemple au code du travail, aux sans-papiers qui devraient être régularisé·e·s, aux discriminations hétéro-patriarcales et racistes, à l'écologie… Par ailleurs, l'inter-professionnalisme est un formidable moyen étendu d'entraide. (piquets communs, péréquation des caisses de grève, achats collectifs, éducation entre camarades, bibliothèque militante partagée, prêt d'outillage, etc.). C'est aussi un levier indispensable contre le risque de dérive corporatiste de branche. Le Parti se structure d'ailleurs sous forme interprofessionnelle, d'où il tire sa prétention à la vue non-étriquée, donc c'est un danger pour lui d'être concurrencé par le syndicalisme.

L'autonomie prolétarienne

Le prolétariat est une classe en soi et la future classe pour soi. Mais elle n'est pas capable de le faire d'elle-même. Il lui faut l'aide petite mais décisive de l'avant-garde, qui doit l'instrumentaliser pour qu'elle aille dans la bonne direction et se substituer à elle au moins partiellement pour la Révolution. Elle ne doit donc pas être autonome de l'avant-garde, au contraire, car sinon son apparente autonomie camouflerait en vérité son imprégnation (certes partielle) des idées bourgeoises et (le plus probablement) sa non-volonté ou (dans le meilleur des cas) son incapacité à dépasser le capitalisme.

S'organiser syndicalement, mais comment ?

Le syndicat

Le syndicat est la seule entité syndicale ayant des membres individuels cotisants. C'est l'unité organisationnelle de base. Il peut néanmoins avoir des sous-unités, juridiquement déclarées ou pas, tels que des commissions de travail et/ou d'exécution mandatées sur un ou plusieurs sujets précis, ainsi qu'évidemment les sections syndicales (car potentiellement ne pas faire du syndicalisme d'établissement ou d'entreprise n'implique aucunement de délaisser ce terrain, mais uniquement que ce ne soit pas la forme primaire de structuration). Le syndicat a un champ géographique local et, dans la mesure de ses moyens, a un lieu pour ses réunions, son matériel, etc. Pour s'organiser plus largement, il y a du (con)fédéralisme de métier, d'entreprise, ou de branche / d'"Industrie", et géographique / territorial. De plus, il peut y avoir des instances, rattachées à une structure (con)fédérale, sur des opérations spécifiques, typiquement la propagande (avec à un minima un journal et une maison d'édition), ou des thématiques particulières, comme l'international, les sans-papiers, la xénophobie, le racisme, l'hétéro-patriarcat, l'écologie, l'anti-fascisme, l'anti-colonialisme et l'anti-impérialisme, etc., mais le Parti a intérêt à avoir le monopole sur ces aspects politiques et grands enjeux.

Le fédéralisme

En fonction de la manière dont le Parti se conçoit vis-à-vis de la tâche révolutionnaire, il peut avoir un intérêt différent dans le découpage syndicale et donc le fédéralisme syndicale. Plus il se pense d'avant-garde ou comme devant l'être, plus il a logiquement intérêt à contribuer à l'insuffisance syndicale, de par une faible ou inexistante interprofessionalité syndicale et une structuration professionnelle étriquée (donc surtout pas d'"Industrie", mais plutôt de métier ou d'entreprise). Toutefois, il faut aussi préparer la Révolution. De plus, si un courant syndical révolutionnaire est bien en place et est identifié par le prolétariat conscient comme tel, il faut être crédible.

Les fractions du Parti

Des membres du Parti doivent se coaliser en fractions dans les syndicats, afin secrètement d'en prendre le contrôle et de le garder. Comme les sections syndicales qui sont des émanations du syndicat, les fractions du Parti sont sous contrôle du Parti et doivent suivre sa ligne.

L'assemblée générale

Pour décider de la ligne, de ce qui doit être fait et comment, ça devrait en revenir aux membres du Parti. Pour un grand contrôle et si le Parti est déjà aux manettes, il faut que le bureau du syndicat ait le plus de pouvoir possible. Au contraire, si le Parti n'a pas encore le contrôle ou qu'il veut en laisser l'impression et a effectivement les moyens que ce soit factice, il faut laisser en apparence le pouvoir aux assemblées générales (AG). Si le Parti a de fait suffisamment de poids, elles peuvent être autogestionnaires de bout-en-bout. Une formule intermédiaire est de l'encadrer en laissant le bureau définir l'ordre du jour, donc les sujets et l'angle avec lequel ils sont traités, et en étant plutôt strict une fois celui-ci défini. Quand il faut, par la suite, une ou plusieurs personnes en charge de l'application, on fait ça via un mandat. Quand l'échelle est trop grande, c'est de même.

Le type de mandat

Pour une jolie façade auto-gestionnaire, il faut du mandat impératif, donc limitation dans le temps, le moins de cumul possible, de la rotation et de la transparence, mais la possibilité de révoquer simplement. Moins sexy mais plus sûr est un mandatement rigide et de type politique, c'est-à-dire laissant plutôt carte blanche aux personnes mandatées, comme c'est usuellement le cas dans le parlementarisme bourgeois. Néanmoins, cela fait courir le risque de favoriser la bureaucratisation pendant la Révolution et après, mais aussi d'une moindre mobilisation dans le syndicat contrôlé, voire d'une défection.

La dictature de qui sur qui ?

Le Parti se gausse de vouloir instaurer la dictature du prolétariat. Cependant, il part du principe qu'il va falloir qu'il se substitue à la classe et qu'il agisse en son nom. À partir de là, le risque est grand qu'il ne fasse que remplacer la bourgeoisie et instaurer un système politiquement pire, de par le raidissement probable pour vaincre la réaction et la conviction qu'il faut le parti unique pour protéger la nouvelle société, c'est-à-dire in fine non instaurer la dictature du prolétariat mais une dictature sur le prolétariat qui se réclame être son dépassement ! L'efficacité du contrôle de tout peut donc provoquer un puissant retour de bâton, d'où le rejet ou grande méfiance de cette stratégie sous forme dure.

Annexes

Quelques idées de lectures en rapport avec le sujet

Son cousin : l'anarcho-syndicalisme doctrinaire

Pierre Besnard (1886-1947) s'est essayé à définir l'anarcho-syndicalisme. Il l'a fait dans "L'anarcho-syndicalisme et l'anarchisme". C'était son rapport au Congrès Anarchiste International de 1937. Il était alors secrétaire de l'AIT. Sur la prétention à l'avant-gardisme idéologique et la direction révolutionnaire, on peut voir un lien très net avec le léninisme, qui ne serait pour autant faire oublier des différences.

L'Anarcho-Syndicalisme est un mouvement organique et organisé. Il tient sa doctrine de l'Anarchisme et sa forme d'organisation du Syndicalisme Révolutionnaire. Surtout, plus loin, on a ça : le mouvement anarcho-syndicaliste ne peut dévier, en raison du contrôle permanent et sévère qui s'exerce sur les organisations et les militants . De plus, dans la préface de Alexder Shapiro, on trouve ceci : Organisés, en dehors des syndicats, dans leurs fédérations idéologiques (ou "spécifiques", si l'on s'en tient à la terminologie de nos camarades espagnols), les anarchistes restent le ferment toujours en éveil permettant à l'anarcho-syndicalisme de bâtir, mais ne lui permettant pas des compromissions dangereuses. Mais il ne faut pas que la direction idéologique. qui implique que les "réalisateurs" sont imprégnés de l'idéal des "propagandistes", se mue en direction effective.

Attention toutefois à ne pas plaquer cette conception sur tous les camarades se revendiquant anarcho-syndicalistes, bien d'entre elleux ne la partagent sans doute pas. Par ailleurs, les syndicalistes révolutionnaires ne sont pas contre une organisation révolutionnaire, au contraire (à ce propos, on invite à consulter la 6ème des fiches de formation des Comités Syndicalistes Révolutionnaires). Elle joue le rôle de direction révolutionnaire du prolétariat, propose et défend une orientation révolutionnaire (en se basant donc sur la conviction) au sein des organisations qu'il a créées (et pas à l'extérieur). C'est un courant syndical, qui ne vise pas dans l'absolu d'avoir sa propre confédération (et on pourrait qualifier l'inverse de gauchisme, qu'il faut prendre là dans un sens péjoratif, avec une conception inspirée de Lénine lui-même mais moins rigide). Toutefois, elle peut éventuellement tactiquement le faire, pour faire connaitre son existence, ainsi que ne pas s'épuiser avec des bureaucrates et une mauvaise structuration, mais avec toujours la volonté à terme d'être dans une même confédération que les autres courants de classe.

La Charte d'Amiens

Nous reproduisons ci-dessous la Charte d'Amiens. C'est un document célèbre du syndicalisme français. Elle a été adoptée en 1906 lors du 9ème Congrès de la Confédération Générale du Travail. Les syndicalistes révolutionnaires l'adorent, c'est leur texte de référence. Elle permet de montrer une autre vision du syndicalisme que celle léniniste et ayant également pour projet la révolution sociale.

Le Congrès confédéral d'Amiens confirme l'article 2 constitutif de la CGT.

La CGT groupe, en dehors de toute école politique, tous les travailleurs conscients de la lutte à mener pour la disparition du salariat et du patronat.

Le Congrès considère que cette déclaration est une reconnaissance de la lutte de classe, qui oppose sur le terrain économique, les travailleurs en révolte contre toutes les formes d'exploitation et d'oppression, tant matérielles que morales, mises en œuvre par la classe capitaliste contre la classe ouvrière.

Le Congrès précise par les points suivants, cette affirmation théorique.

Dans l'œuvre revendicative quotidienne, le syndicat poursuit la coordination des efforts ouvriers, l'accroissement du mieux-être des travailleurs par la réalisation d'améliorations immédiates, telles que la diminution des heures de travail, l'augmentation des salaires, etc. Mais cette besogne n'est qu'un côté de l'œuvre du syndicalisme : il prépare l'émancipation intégrale qui ne peut se réaliser que par l'expropriation capitaliste ; il préconise comme moyen d'action la grève générale et il considère que le syndicat, aujourd'hui groupement de résistance, sera, dans l'avenir, le groupement de production et de répartition, base de réorganisation sociale.

Le Congrès déclare que cette double besogne, quotidienne et d'avenir, découle de la situation de salariés qui pèse sur la classe ouvrière et qui fait à tous les travailleurs, quelles que soient leurs opinions ou leurs tendances politiques ou philosophiques, un devoir d'appartenir au groupement essentiel qu'est le syndicat.

Comme conséquence, en ce qui concerne les individus, le Congrès affirme l'entière liberté pour le syndiqué de participer, en dehors du groupement corporatif, à telles formes de lutte correspondant à sa conception philosophique ou politique, se bornant à lui demander, en réciprocité, de ne pas introduire dans le syndicat les opinions qu'il professe au dehors.

En ce qui concerne les organisations, le Congrès déclare qu'afin que le syndicalisme atteigne son maximum d'effet, l'action économique doit s'exercer directement contre le patronat, les organisations confédérées n'ayant pas, en tant que groupements syndicaux, à se préoccuper des partis et des sectes qui, en dehors et à côté, peuvent poursuivre, en toute liberté, la transformation sociale.

Les CSR, c'est quoi ?

Avertissement : Le texte n'est là pas de moi, mais des CSR. Au moment où j'écris ces lignes, je n'en ai jamais fait parti, mais j'ai été en contact avec certains de leurs membres.

Les Comités Syndicalistes Révolutionnaires (CSR) entendent faire vivre un renouveau des pratiques syndicalistes révolutionnaires qui ont fondé la confédération CGT, car sans sous outils révolutionnaires, il ne peut y avoir ni perspective révolutionnaire ni militants révolutionnaires. Après plus de trente années de défaites ouvrières, l'heure n'est plus à la défensive. Le projet révolutionnaire est que plus jamais une nécessité. Pour faire vivre ce projet, il faut des militants organisés sur une base collective : une tendance.

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Objectifs de ce document

Quelle est la manière léniniste d'envisager le syndicalisme ? Et qu'est-ce qui le distingue notamment du syndicalisme révolutionnaire ? Voila à quoi cette brochure a vocation de répondre. Sachez, si vous ne l'aviez pas remarqué, que je suis bien plus proche du syndicalisme révolutionnaire que du léninisme, en tout cas au moment où j'écris ces lignes, et que je ne suis expert d'aucun.